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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mou.
    Sous le coup, le cheval au houssement noir s’accula et s’affaissa en hennissant, écrasant Passac sous son flanc tandis qu’un cri énorme jaillissait de l’enceinte.
    « Sans l’écu de Kergœt, j’aurais subi le heurt sur mon colletin… J’ai senti son rochet monter jusqu’à ma tête, mais un carré de corne l’a retenu et le bois s’est rompu. »
    Ogier revint vers son adversaire étendu devant les dames et dont le destrier, debout, n’osait remuer. Les juges accouraient suivis du Roi d’armes et des maréchaux de lice.
    – Est-il mat ? hurla quelque part une femme.
    Tandis que le gros Augustin désheaumait le vaincu, son compère Amaury poussa un cri et du doigt désigna la brèche ensanglantée dans les anneaux de fer :
    – Voyez !
    « Droit au cœur », songea Ogier, tandis qu’en suppliant : «  Messire ! Messire  ! » Olivier de Fontenay tapotait les joues de cet homme défait dont lui, Argouges, ne distinguait que le front.
    « Si Tancrède était là, elle me haïrait ! » Il haletait. Fatigue ou jubilation ? « Ai-je voulu sa mort ? » Il ne le savait plus. Il souhaitait plutôt défigurer cet homme.
    Benoît Sirvin s’approcha, écarta les gêneurs, et sans se courber, grattant l’aumusse qui dissimulait mal ses cheveux blancs et ses oreilles, il considéra le visage immobile.
    – Mat, dit-il. Holà, messire au Poing Vermeil, qui êtes-vous ?
    Le garçon s’abstint de répondre : l’air se raréfiait sous son dôme de fer.
    – Ogier de Fenouillet, dit le juge Augustin.
    Le mire se tourna vers Ogier :
    – Votre règne, messire, ne cesse de s’affermir. Êtes-vous né sous le signe du Lion ?
    – Oui, dit Ogier, troublé.
    – C’est bien : vous en avez le cœur et l’impétuosité : ut in praelio leo.
    –  C’est vrai, messire : je suis céans comme un lion au combat.
    – J’aimerais bien savoir ce qui vous a esvigouré (62) car ce fut un enchas (63) terrible !
    Le mire souriait. Il connaissait Blandine. Il les avait vus ensemble. Il devinait aussi que ce n’était pas tout.
    – La violence et la justesse de ce coup…
    – Non, messire, pas la justesse…
    Le juge Augustin crut bon de s’en mêler :
    – C’est la première fois depuis longtemps que je vois deux seigneurs occis d’aussi belle façon ! S’ils sont mats, c’est de leur faute : vous avez frappé droit et roide comme il convient… Mais en courant contre eux, que vouliez-vous prouver ?… Ou plutôt, que vouliez-vous faire ? Messire Benoît Sirvin disait que la justesse…
    Des mots destinés également au mire outrepassèrent la ventaille, les œillères et le buccal du bassinet où l’air s’insinuait à peine :
    – Pas la justesse, messires. La justice.
    Ogier soupira.
    « Le voilà donc ! »
    Il venait à peine de retrouver ses compagnons que Guesclin se présentait devant lui sur un cheval gris, solide, sans houssement ni parure, aux harnois de cuir épais, noirs et ternes. Sa selle était profonde et le troussequin montait si haut dans son dos qu’il semblait impossible de l’en déloger.
    « Il est de la même espèce que Blainville. »
    – Je ne peux attendre plus longtemps, Fenouillet… Si tu tardes, je penserai que je te fais peur !
    – Peur ? Toi !
    –  Je t’en préviens : je ne suis pas Passac !… On dit que c’était un Goddon ou presque, arrivé de Guyenne avec un sauf-conduit… Si j’avais su cela avant toi, je ne t’aurais pas laissé le soin de l’envoyer au diable… Qu’en dis-tu ?
    Ogier demeura coi. Il avait grand-soif. Mauvaise haleine. Et chaud : la gorge comme empoussiérée. La sueur piquait ses yeux aussi désagréablement qu’une fumée. Ah ! pouvoir rejeter ces gouttes ; pouvoir, d’un revers de main nue, écraser, repousser cette salive sèche à goût de terre ou de sang. Respirer. Éprouver ce plaisir simple, apaisant, de sentir ses poumons s’emplir d’air largement ; avoir le visage rafraîchi par ce vent dont les souffles accélérés, aux rives de la Vienne, inclinaient les cimes des arbres.
    Et puis, il y avait cette souffrance au côté senestre. Mal lancinant, lourd, et qui venait, – avant l’apparition du Breton – de se prolonger jusqu’à la main crispée sur la rêne de Marchegai. «  Ce rustique fumeux doit rêver de m’occire. » Il s’en rendait compte, à présent : la lance de Passac l’avait frappé avec une force tout aussi féroce que la sienne. S’il

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