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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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clair.
    Ogier regarda la seconde table, formant angle avec la sienne. Guichard IV d’Oyré, le front orageux, se penchait vers une femme blonde et maigre qui le dédaignait pour Aimery de Rochechouart, lequel lançait parfois une œillade à Blandine, tout comme Ferrant de Hautepenne. À cette tablée se côtoyaient Maubue de Mainemares (99) , Godemar du Fay, un moine : Pierre de la Garnière, deux baillis poitevins et leur épouse, et le chevalier d’honneur, Jean-Guy IV de Montléon, lequel déclara que Blondelet de Ponchardon devait être déjà ensépulturé à l’abbaye de l’Étoile.
    – J’ai voulu donner une leçon à cet indécent, déclara André de Chauvigny, jusque-là peu disert. J’aurais dû retenir mon coup…
    – Votre beau-frère et son fils n’attendaient qu’un incident pour ne pas venir à cette table, dit l’évêque d’un ton enjoué. Ce Galois et vous-même le leur avez fourni !
    – Ils sont tous deux plus félonneux que mon époux ! soupira dame Alix, désolée. Jean a toujours été ainsi, alors que Godefroy…
    Elle rougit et s’interrompit. Olivier de Fontenay déclara que l’on avait à déplorer sept morts.
    – Il en meurt biau coup lors des commençailles, dit l’évêque en soupirant. Je les ai bénis…
    Il regardait, la salive à la bouche, l’écuyer tranchant ôter comme un manteau de plumes la parure du cygne au bec d’or. Puis il évoqua des joutes sanglantes, disant que c’était Innocent II, au concile de Clermont, qui avait le premier interdit ces déduits-là (100) . Se tournant brusquement vers le très saint et onctueux personnage, Pierre de la Garnière soutint que c’était Alexandre III, au concile de Latran, et précisa :
    – En onze cent soixante-dix-neuf.
    Alençon cita le cas de Robert de Clermont, fils de Saint-Louis, chef de la maison de Bourbon qui, jadis, avait reçu tant de coups que toute sa vie, le malheureux s’en était porté mal.
    – C’était lors d’un tournoi ! protesta le vicomte de Melun, le feu de l’ivresse aux joues. Parlons joutes, messires ! Nous aurons bien le temps, demain soir, de disputer du tournoi… si nous sommes en bon état !
    – Je me suis merveillé pour votre dernier coup, Fenouillet, dit l’évêque. Vous êtes le premier que j’aie vu partir lance basse et redresser la hampe.
    Ogier remercia d’un mouvement de tête.
    – Rares sont en effet, dit Blainville, les chevaliers capables d’accomplir de pareilles prouesses.
    Scrutant le visage d’Ogier, il ajouta le front soudain froncé en long et en large :
    – Naguère, près de ma seigneurie, un baron les réussissait bien. C’était Godefroy d’Argouges…
    Il fallait soutenir ce regard pénétrant.
    – J’en ai ouï parler… Qu’est-il devenu ?
    Ogier se demanda si sa voix avait pu changer. Il s’était exprimé d’un ton rêveur, faussement las, comme depuis son entrée au château. En fait, il sentait sur lui les premières atteintes de la fatigue.
    Radegonde Bochet tapa du poing, mécontente :
    – Cessez donc de nous tribouler avec vos galops et vos coups de lance !
    Blainville n’eut cure de cette intervention :
    – Sans doute ce malandrin est-il mort…
    – Aux joutes de Bayeux, voici dix ans, j’ai vu Argouges galoper lance basse, dit suavement Guînes. Il avait enseigné ce coup à Godefroy le Tort (101) , votre aîné, dame Alix…
    La baronne baissa la tête, comme accablée d’avoir un tel frère. Sa honte était-elle feinte ou sincère ? Sur un signe d’André de Chauvigny, la jouvencelle porteuse du faisan plaça celui-ci devant la reine. L’oiseau battit des ailes et s’élança pour voler, tirant sur la chaînette qui le retenait à sa perche. Furieux, il donna des coups de bec sur la vervelle rivée à sa patte.
    C’était une diversion opportune. Ogier s’en réjouit tandis qu’Isabelle, de l’index, effleurait le cou du faisan, geste que Guichard d’Oyré semblait réprouver d’une grimace.
    « Dire que cet outrecuidant avait le bassinet sommé d’une aussi noble volaille ! »
    Les jouvencelles languissaient. Près de la joueuse de doucine, l’oiselière attendait que le baron ou la baronne lui désignât, pour aller déposer le faisan devant lui, l’hôte le plus estimable de l’assemblée. Si cet élu se conformait à la coutume, il protesterait aussitôt qu’il était indigne d’un tel honneur et désignerait un champion au mérite éclatant ; alors, après avoir reçu

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