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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vitrifier… Devait-il s’enquérir de l’état de son adversaire ?
    « Lance basse ! Lance basse ! Il faut être fort pour amener tout ce fardeau à bonne hauteur !… Mon père avait parfois recours à ce coup-là !… Guichard a chu, tant pis pour lui ! Le bruit de tout son fer écrasé sur le sol lui restera longtemps dans la tête ! »
    En se montrant courtois à l’égard de ce présomptueux, il risquait de l’offenser plus encore qu’Herbert Berland !
    Il guida Marchegai jusqu’à la tribune des dames, toutes debout, jacassantes, et dont les mains crépitaient comme un feu de sarments. À l’ombre du vélum, Blandine devenait presque invisible.
    Il releva son viaire, but une gorgée d’air frais et imposa sans mal une falque (94) à son cheval, que celui-ci accomplit volontiers.
    – Reine, dit-il à Isabelle immobile, le visage assombri de déconvenue et de nuit, et vous, dames et damoiselles… et vous, Blandine dont je porte l’emprise, je n’aurais jamais accompli ce que j’ai fait ce jour d’hui sans les égards et la bienveillance que vous m’avez accordés.
    Il conduisit son destrier devant l’évêque visiblement ennuyé que son capitaine eût été vaincu :
    – Monseigneur, je loue Dieu qui fut de mon côté !
    Faisant tourner Marchegai, il salua les manants aux quatre coins du champ. Un hurlement accompagna chacun de ses gestes ; des sifflets, tambourinements et compliments s’y joignirent.
    « J’étouffe encore… Je suis comme un poisson sorti de l’eau… J’ai mal… »
    Il devait rejoindre les siens et se débarrasser enfin de son harnois de fer. Mais dame Alix d’Harcourt marchait vers lui, entourée du Roi d’armes, des maréchaux de lice, des hérauts et des juges.
    – Messire Fenouillet, notre reine vous remettra ce soir les prix que vous ont valu vos mérites… Je vous invite, en conséquence, à venir souper en mon châtelet…
    – C’est un bien grand honneur, dame, et j’en suis touché.
    – L’honneur sera pour mon époux et pour moi-même.
    Elle avait un sourire charmant, presque enfantin. Se pouvait-il qu’elle fût acquise aux Goddons ? Elle repartit d’un pas léger, sa traîne léchant une herbe poussiéreuse que la vesprée noircissait. Tout autour, la foule s’éparpillait.
    – Vous en faites une tête ! s’étonna Champartel.
    – Je suis convié au château d’Harcourt.
    – Après tous vos bienfaits (95) , il fallait s’y attendre !
    – Je ne pouvais refuser, mais n’aie crainte, nous nous retirerons au bon moment… D’ordinaire, vois-tu, les prix sont remis par la reine au milieu du champ… À Chauvigny, c’est différent et, de plus, la nuit tombe… elle aussi ! Tu m’accompagneras et te tiendras derrière mon siège.
    – Soit, messire… Mais… mais qu’avez-vous ?
    Ogier chancelait ; le ciel, les arbres remuaient soudain avec une vivacité anormale.
    – Je suis las, Thierry… J’ai mal au cou, au dos… Aide-moi à descendre… Je souffre de cette jambe…
    Il titubait, soutenu par l’écuyer. Raymond et Marcaillou accouraient.
    – Il vous faut, messire, retourner chez ce mire…
    – Sans doute… sans doute… Allons, les gars, revenons à notre pavillon… Suivez avec tout ce qui nous appartient… Sais-tu de quoi j’ai hâte, Thierry ?
    – Sûrement de boire un coup !
    – Nenni… De voir Saladin. C’est la première fois que je le laisse seul si longtemps.

DEUXIEME PARTIE

LA MALE REINE

I
    – Un cygne revêtu de sa pel (96) à toute plume ! annonça le maître queux sur le seuil de la grand-salle.
    Courbé dans une révérence lourde, onctueuse – à l’instar de ses sauces –, il recula pour céder le passage à deux jeunes servantes. Les joues colorées aux feux des cuisines et les lèvres pincées par l’effort, elles portaient le plat géant sur une civière drapée d’une pièce de velours grenat. Au centre, de son bec doré, le grand oiseau semblait vouloir se repaître de la verdure et des fèves dont on l’avait entouré.
    – On le croirait vivant… Lui, la mort l’embellit. En prendrez-vous, messire Fenouillet ?
    – Fort peu, damoiselle, comme de tout ce qui a devancé cette merveille.
    – Ma présence à votre côté vous couperait-elle l’appétit ?
    La reine des joutes chauvinoises souriait ; sa rancune semblait dissipée. Ogier fut enclin à la courtoisie :
    – C’est un grand honneur d’être placé près de vous,

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