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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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parlions d’Alençon. Vous vouliez l’envoyer dans le bleu Paradis… s’il le mérite. Or, Harcourt m’a dit qu’il se portait fort bien.
    Nouveau silence. Cahors devait être embarrassé.
    – Il reste le tournoi de demain, dit Blainville. Dès que possible, je vais saisir notre cher comte par l’épaule, lui raconter qu’il est menacé, ce qui sera la vérité, et l’adjurer, pour préserver sa vie, d’échanger son armure contre celle d’Étienne de Vertaing, son écuyer, dont le bassinet porte un lion rouge moucheté de blanc. Je compte sur votre influence auprès des dames, Isabelle, pour qu’elles désignent avec vous ce lion au courroux des tournoyeurs.
    – Mais les juges ? Il convient d’obtenir leur accord !
    – Allez, m’amie, les trouver avant le tournoi. Plaignez-vous de Vertaing… Je leur en parlerai, moi, et ils vous obéiront. Quand l’affrontement commencera, criez que cet écuyer-là est indigne, pervers, qu’il a eu commerce avec une religieuse. Criez toutes les vilenies qui vous traverseront l’esprit. Nous lui courrons sus et frapperons très fort ! Il faut qu’Alençon succombe avant l’intervention du chevalier d’honneur.
    – Édouard nous a priés d’occire tous les Valois que nous ne pourrions maîtriser, dit Harcourt. Nous ne pouvons nous emparer de celui-là : nous sommes en trop petit nombre…
    Une des femmes toussa et dit : « J’ai froid », puis Harcourt s’étonna :
    – Tu parles peu, Cahors.
    – Tu veux mes pensées ? Eh bien, je suis certain que si j’avais couru contre Alençon sur un autre cheval que celui de Blainville, je l’aurais occis. Ton Melkart, Richard, s’est écarté de la barrière et m’a ôté ainsi une grande part de force… Je regrette que le mien ait été trop hodé pour galoper… Je pense aussi que nous parlons de tout, sauf des jours à venir. Je pense également qu’Édouard m’a nommé capitaine en Poitou et qu’il est temps que Derby ou quelque autre homme lige du roi d’Angleterre envahisse cette terre où je pourrai enfin m’enrichir. Et je vous demande, pour en finir, – car je n’en sais rien – comment Jean de Montfort est passé de vie à trépas !
    Nouveau silence. Le cœur d’Ogier battait dans son oreille. Blainville prononça quelques mots indistincts, puis sa voix s’éleva :
    – On dit qu’il a péri du feu de saint Antoine.
    Encore un silence ; Isabelle y mit un terme ; sa voix chevrotait :
    – J’étais à Hennebont quand il est revenu d’Angleterre… Je savais qu’il devait en ramener Yvon de Kergœt qu’il avait fait écuyer, et je les attendais… Mais le comte est revenu seul… Quelques Normands l’accompagnaient… Pourquoi me regardez-vous ainsi, messire Blainville ?
    – Des Normands, dites-vous !… Vous a-t-il révélé pourquoi ils étaient avec lui ?
    – Non. Il était las et souffrait d’un coup de lame dans le ventre… Vous savez qu’il me chérissait depuis ma petite enfance, puisque ma mère était dame de parage de la comtesse Jeanne… Il m’a dit de renoncer à Yvon. Je lui ai demandé pourquoi… J’ai pleuré, supplié… en vain !… Il a voulu m’enlacer, et j’ai pensé qu’il avait occis Yvon pour faire de moi sa concubine… Alors, c’en fut trop…
    – S’il est mort enherbé comme on l’a prétendu, et surtout enherbé par vous , c’est tant mieux, Isabelle ! Je suis sûr qu’il allait me trahir. De toute façon, il allait trahir l’Angleterre !
    Après un rire à la fois moqueur et courroucé, Harcourt s’emporta :
    – Vous allez bien vélocement, Richard ! Montfort était un homme de ma trempe : droit et loyal envers ses alliés… Vous voyez tout de haut… du haut du trône de France devrais-je dire !… Notre sort ne peut se comparer au vôtre… Si vous avez enherbé (132) Montfort, Isabelle, vous êtes…
    – Dites que je suis folle !… Allons, dites-le !
    La voix devenait aiguë, criarde ; elle s’étouffa, sans doute sous la pression d’une paume. Il y eu un silence, puis des sanglots. Chandos exaspéré commanda :
    – Lâchez-la, Richard.
    – Elle n’en peut plus, dit Jeanne. Je la connais depuis longtemps. Elle a toujours eu ce caractère emporté… Sa mère était ainsi… Je commence à me demander si ce n’est pas folie de nous être réunis en Poitou.
    – Non, dit Blainville, sauvagement. Godefroy a eu cette idée-là bien moins parce que sa sœur, bon gré mal gré, lui

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