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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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C’est ce que j’aime chez vous. Hélas, vous n’êtes plus si nombreux. Veux-tu ce que je t’offre ?
    — Oui, fait Wallah, pressée d’en finir.
    — Bien, murmure la femme en se rapprochant.
    À présent, Wallah flaire son odeur de terre, de moisissure. Un relent de tombeau fraîchement éventré… Mais c’est peut-être parce que La Murée vit dans une grotte.
    — Tu vas dormir, chuchote la femme en fixant étrangement Wallah. Quand tu te réveilleras, le pacte sera scellé. Tu ne pourras revenir en arrière. Une année de ta vie par cible atteinte. À toi de juger si tes victimes valent ce prix. Rappelle-toi cependant cette règle fondamentale : au moment de lâcher ta flèche, tu devras fermer les yeux et faire naître dans ton esprit l’image de ta future victime. Cette image devra être aussi fidèle que possible, sinon le projectile s’égarera dans les airs et retombera sans atteindre son but.
    — C’est stupide, lâche l’adolescente. Quand on vise quelqu’un, on voit forcément sa figure ! Pas besoin de l’imaginer.
    — Tu ne comprends pas, insiste La Murée. Avec le don, tu seras en mesure d’abattre tes proies sans les voir.
    —  Sans les voir ?
    — Oui, dans la nuit la plus noire. Ou se tenant à une lieue de l’endroit où tu seras embusquée, ou derrière un mur. Tu seras capable de tuer dans les conditions les plus invraisemblables, les plus difficiles. C’est l’avantage du don. C’est ta pensée qui guidera la flèche, pas tes yeux. Mais pour cela, tu devras connaître le visage de ta victime. Tu ne pourras espérer tuer quelqu’un dont tu ignores la physionomie. Si cette image est imprécise, le projectile se perdra… Tu as enfin compris ? Assez bavardé, tu vas dormir. C’est nécessaire.
     
    Wallah recule, bute sur une racine et tombe sur le dos. Sa tête heurte quelque chose, elle perd connaissance. Avant de sombrer dans les ténèbres, elle a juste le temps de voir La Murée s’agenouiller à son chevet avec un mauvais sourire. Sa cape s’entrouvre… Il n’y a rien dessous. Ni corps ni ossements. Rien qu’un grand vide que surmonte une tête tranchée qui flotte en souriant dans l’entrebâillement du col.
    Wallah bascule dans le néant.
    *
    Le froid et l’humidité la réveillent. Elle se découvre couchée sur la mousse, au pied d’un chêne. Sa nuque lui fait mal ; lorsqu’elle tâte son occiput, ses doigts se poissent d’un sang brun, coagulé. Elle s’est entaillé le cuir chevelu en tombant, rien de grave. La femme à la cape verte a disparu. Wallah en vient à se demander si elle ne l’a pas tout bonnement rêvée.
    « J’étais fatiguée, se dit-elle, je me suis assoupie au pied de cet arbre… »
    Elle ne sait pas. La forêt est par excellence le lieu des sortilèges, et il est recommandé de ne point chercher à connaître l’identité réelle des ombres qui se faufilent entre les troncs ou au cœur des taillis car il arrive qu’elles ne soient ni humaines ni animales.
    Peu importe, c’est déjà le crépuscule et il est hors de question pour la jeune fille de revenir sur ses pas. Elle ne veut pas être surprise par l’obscurité sous le couvert. Dès lors elle n’a guère le choix : le plus sûr est de grimper dans un arbre et de s’attacher à une branche en attendant l’aube. De cette manière, elle sera hors de portée des bêtes rôdant dans les ténèbres. Ours et loups n’escaladent pas les troncs.
    Quand elle se redresse, la tête lui tourne. Malgré tout, elle jette la besace sur son épaule, et cherche un arbre aux basses branches accessibles. Assez vite, elle s’élève à trente coudées au-dessus du sol, mettant les écureuils en fuite. Elle s’assied à califourchon sur une maîtresse branche et s’y ligote au moyen de la corde qu’elle emporte toujours dans ses pérégrinations. « Une corde, un couteau, une pierre à feu… », l’éternelle litanie de Gunar.
    Elle reste là, paupières closes, les élancements de la douleur transperçant son crâne. Elle essaye de se remémorer les paroles de La Murée.
    Quelle étrange rencontre ! Mais il est vrai que les bois servent de refuge aux parias. Fous, criminels, bannis, excommuniés, bandits s’y donnent rendez-vous.
    — On dit même, racontait Gunar, que des mères, lors des grandes famines, y ont exilé leurs enfants pour les protéger de l’appétit de ceux qui n’hésitaient pas à s’emparer des mioches pour les manger. Les gosses ont

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