La Fille de l’Archer
faire lapider séance tenante par la populace en colère.
1 - La chair de baleine était couramment distribuée aux pauvres dans les réfectoires des abbayes. Elle constituait alors un mets fort commun et d’un prix modique.
2 - Souteneur, en grec ancien.
3 - Authentique. Durant les grandes famines, les cas de cannibalisme furent fréquents.
4 - Mauvais sorts.
5 - Paysan.
6
Au matin, l’euphorie est retombée. Chacun sait que le piège se resserre.
— On en parle dans les villages, grommelle Javotte. On dit que Ponsarrat s’est juré de nous faire mettre en pièces par sa meute. La forêt ne sera pas assez vaste pour nous dissimuler. Nous ne sommes pas de la région, nous ignorons tout des cachettes où l’on pourrait se terrer. Il existe sûrement des cavernes, mais où ?
Sautant sur l’occasion, Wallah propose d’explorer les environs.
— Tu vas te perdre, oui-da ! s’esclaffe la grosse femme. N’oublie pas de semer des cailloux derrière toi pour retrouver ton chemin… et rapporte de quoi manger, comme hier. Si Ponsarrat nous assassine, on mourra le ventre plein, ce sera toujours une consolation.
Wallah s’équipe. Arc, couteau, corde, un morceau de viande froide, une poignée de noix, une gourde d’eau additionnée d’une pointe de vinaigre : la fameuse posca des légionnaires romains de jadis. Elle part sans un mot, l’esprit embrumé de pensées indécises. Elle nourrit le vague projet de retrouver La Murée et d’obtenir davantage d’explications. Mais où la chercher ?
D’ailleurs existe-t-elle vraiment ? N’est-ce pas plutôt un esprit élémentaire qui joue, quand le cœur lui en dit, à prendre forme humaine pour s’amuser des humains ?
« De toute manière, il faut que je sache… », se répète la jeune fille. Elle a décidé de renouveler l’expérience de la veille, de lâcher une flèche vers le ciel en lui ordonnant d’atteindre une cible impossible. Si le miracle se reproduit, c’est que La Murée lui a bel et bien transmis le pouvoir de toujours tuer sa victime, où qu’elle se cache.
« À ta guise, lui souffle une voix au fond de sa tête, mais cette fantaisie va te coûter une nouvelle année de vie. Es-tu certaine d’en avoir tellement à gaspiller ? Tu as déjà quinze ans après tout. Seize, si l’on compte la biche d’hier. Ce n’est plus si jeune. Songe qu’autour de toi beaucoup de paysans meurent avant d’avoir atteint leur vingt-cinquième année. »
Wallah le sait, mais elle s’obstine.
De temps à autre, elle trace une entaille sur un tronc pour baliser le chemin. Elle s’immobilise enfin, sort une flèche du carquois et se met en position, la tête renversée vers le ciel qu’on devine dans les trouées de la frondaison. Elle ferme les paupières et se concentre sur l’image d’un sanglier. Un animal difficile à abattre au moyen d’une flèche tant son cuir est épais. Les soldats s’en font des gilets rembourrés qui ont la réputation de résister à la pénétration des lames les plus fines, imitant en cela le fameux berserk 1 des Vikings.
Un sanglier, oui… Encore une fois, ils se ressemblent tous. Elle encoche la flèche, tend la corde, bande ses muscles à la limite de la souffrance et lâche le trait en direction des nuages.
Voilà, le sort en est jeté. Elle ne sait ce qu’elle souhaite. Peut-être serait-elle soulagée si elle découvrait la longue flèche noire fichée dans un tronc d’arbre. Tient-elle réellement à devenir une walkyrie ?
Au bout d’une minute elle se met en marche dans la direction approximative qu’a dû prendre le projectile en amorçant sa courbe descendante. Elle s’ouvre un chemin à l’aide d’un bâton car les fougères grouillent de vipères. Elle a presque envie de courir mais se retient. Elle voudrait en finir, être délivrée, se découvrir banale, sans plus de « pouvoirs » qu’une fille ordinaire. Elle a peur d’être engagée dans quelque chose qui la dépasse, un monstrueux engrenage conçu par des puissances supérieures décidées à se distraire aux dépens des humains.
Mais la sanction tombe. Le sanglier est là, devant elle, fléché à mort. La pointe de fer est entrée par la nuque, a traversé toute l’épaisseur du cou pour ressortir par la gorge. Une puissance de pénétration inconcevable à cette distance, surtout sur une bête aussi caparaçonnée de cuir et de muscles.
Les jambes de Wallah vacillent. Elle s’assied sur une souche,
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