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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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cachés. Ou encore le pouvoir d’ensorceler les femmes pour les forcer à s’offrir.
    — Ça va, j’ai compris. A-t-on des preuves de tout cela ?
    — Non. Ceux qui jouissent de ces talents ne s’en vantent pas, cela leur vaudrait trop d’ennuis avec les prêtres.
    — Bien sûr. Mais toi, y crois-tu ?
    L’intendant se dandine, mal à l’aise.
    — C’est bien possible, Seigneur, murmure-t-il. Il y avait, à Gonzeval, un charretier qui avait la réputation de se rendre invisible et qui est devenu l’espion attitré du comte de Vannoyert. À Cézenonce habitait une pucelle de quinze ans qui détectait les trésors cachés. Le baron de Villarbois en a fait son intendante. De telles promotions, chez des gens de basse extraction, prouvent qu’il y a anguille sous roche.
    — J’en suis fort aise, lâche Ponsarrat, tu peux disposer.
    Une fois seul, il se frotte les mains. Il est rassuré. Ainsi La Murée n’est pas qu’une simple d’esprit, et il est bien possible qu’elle ait transformé cette Wallah en tueuse émérite. C’est tout ce qui importe.
    Désormais, les jours de Boisrenard sont comptés !
    1 - Chemise en peau d’ours réputée conférer l’invulnérabilité. Par extension, celui qui la revêt devient un berserker , un « fou de guerre ».

    2 - Littéralement : « Il a son compte ! »

    3 - Sorte de petit bouclier soudé sur la cuirasse, et que le jouteur devait viser avec la pointe (mouchetée) de sa lance afin d’éviter de blesser sérieusement son « ennemi ». En réalité, cette précaution était rarement respectée. Il en résultait un nombre important d’accidents mortels, qui conduisit l’Église à militer (en vain) pour l’interdiction des tournois.

    4 - À l’époque, le barbier faisait également office de chirurgien.

    5 - Médecin.

7
    Javotte rêve, flottant dans un demi-sommeil engendré par l’abondance de nourriture. Elle a perdu l’habitude de manger autant, et la satiété engendre chez elle une hypnose béate à laquelle elle s’abandonne avec délice.
    Des images du passé envahissent bientôt son esprit, telles des bulles de gaz s’échappant de la vase d’un étang. Elle se revoit telle qu’elle était il y a dix ans, en accorte patronne de l’auberge Au Chapon d’or , servant avec entrain les clients, la plaisanterie aux lèvres, gloussant chaque fois qu’elle esquive habilement les caresses gaillardes. Son mari, Pierre, s’active à la cuisine, la face rougie par l’ardeur des fourneaux. Les filles, encore petites, jouent dans la cour avec le chien. C’était le temps du bonheur, et elle n’en avait nullement conscience, imbécile qu’elle était !
    Oui, elle se revoit, frottant les pots d’étain avec de la cendre pour les faire briller. On l’appelait alors « maîtresse Javotte », ou encore « la femme du rôtisseur ». Tout allait pour le mieux, la vie coulait agréablement, les écus s’entassaient. On parlait de s’agrandir, on faisait des projets… À l’époque, elle ne prêtait guère attention à cette addition de petits bonheurs quotidiens qui, au final, tricotent mine de rien les vraies joies de l’existence. Elle se tracassait pour des sottises : un dressoir mal arrangé, un plat fêlé, un rôti trop cuit. Et ces incidents dérisoires lui gâchaient la journée. Il lui arrivait même de se croire malheureuse parce que Pierre lui refusait tel col de dentelle flamande qui la faisait saliver d’envie. Parfois, elle jugeait sa vie morne et répétitive, elle se prenait à rêver devant ces comédiennes qui parcouraient le pays juchées sur un chariot, passant d’une ville à l’autre, courtisées par mille galants.
    Et puis… Et puis la peste est arrivée, transformant la ville en cimetière. Pierre, le mari rougeaud, s’en est allé avec les premières victimes, emporté en deux jours à peine, le corps couvert d’énormes bubons. Javotte l’a vu pourrir d’heure en heure, encore vivant et déjà cadavérique.
    L’auberge s’est vidée, les gens se sont claquemurés tandis que les charrettes débordant de cadavres remontaient les rues en grinçant.
    Javotte n’a jamais compris pourquoi le mal les a épargnées, ses filles et elle. Elle n’a jamais été dévote. Élevée au fond des campagnes, elle a grandi dans les superstitions héritées des Gaulois, à l’écart de l’endoctrinement forcené des prêtres. Il lui semble donc peu crédible que Dieu ait décidé de la sauver alors que ses

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