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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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parce qu’on n’osait s’approcher de la cible. Parce qu’on n’avait aucune chance de la vaincre au corps à corps. Parce qu’elle était trop énorme, trop puissante… »
    Elle songe au monstre. Le hameau lui servait-il de refuge ? S’y terrait-il après en avoir dévoré les habitants ?
    Elle pivote sur ses talons, regarde aux alentours. Elle renifle, cherchant l’odeur de la créature. Il faudrait examiner les murs, y déceler des griffures, se mettre en quête de touffes de poils. Et ne pas oublier le sol, car un animal de ce poids ne se déplace pas sans laisser de traces. Elle l’imagine, défonçant les portes, faisant irruption dans les chaumières, s’abattant sur les familles rassemblées pour le souper. Elle a déjà vu des ours en colère, elle sait ce dont ils sont capables une fois dressés sur leurs pattes postérieures, lacérant le vide à coups de griffes. Rien ne leur résiste.
    Dans une sorte de rêve éveillé, elle se représente le monstre, se déplaçant de masure en masure avec cette vélocité qui est l’apanage des grands prédateurs. Un ours a beau peser son poids, il court vite ; lui échapper est difficile, nombre de chasseurs l’ont appris à leurs dépens.
    — Je sais à quoi tu penses, murmure Bézélios. Pas un mot aux autres. S’ils s’étonnent de la présence des boulets, nous répondrons qu’il s’agissait d’une tanière d’hérétiques.
    Wallah reste silencieuse. Elle lève le nez vers le ciel. Alertée par le sifflement des boulets, la bête a vu venir les projectiles, elle n’a eu aucun mal à les éviter d’un saut de côté.
    — Il n’y a pas de corps, constate-t-elle. Pas d’ossements.
    — Le monstre les a peut-être mangés ? Certains fauves ont de si puissantes mâchoires qu’ils peuvent réduire en poudre le squelette de leurs victimes. Ou alors les survivants du carnage ont enterré ce qui restait des dépouilles.
    Le saltimbanque et la jeune fille sont face à face, complices, dans le crépuscule qui s’installe. Un lien étrange se tisse entre eux.
    — Qu’attends-tu de moi ? demande l’adolescente.
    — Je ne sais pas encore, avoue Bézélios, mais dans cette affaire je ne puis compter que sur toi. Tu le sais, n’est-ce pas ? Dans l’affrontement qui s’annonce il n’y aura que nous deux pour tenir tête à l’animal. Les autres se débanderont en hurlant. J’ai besoin de ton arc. De ton talent de chasseresse.
    — Tu veux tuer la bête ou la capturer ?
    — Il est trop tôt pour le dire. Vivante, elle vaudrait plus cher, mais il sera sans doute difficile de la réduire à merci. Dans ce cas, je compte sur tes talents pour la tuer proprement sans l’abîmer. Nous l’empaillerons dans les règles de l’art avant de la présenter à cet Ornan de Bregannog qu’on dit collectionneur. S’il n’en veut point, nous l’exhiberons dans les foires. Quoi qu’il en soit, nous n’aurons pas fait le chemin pour rien. Il y a toujours du public pour les erreurs de la nature.
    Il parle pour se rassurer, mais, à de menus signes, Wallah devine qu’il est inquiet.
    La jeune fille fait le tour de la maison en ruine, à la recherche d’anciennes flaques de sang. Rien.
    — Rejoignons les autres, la presse Bézélios, ils vont avoir l’impression que nous complotons dans leur dos.
    Ils sortent. Les questions pleuvent, suscitées par la présence des boulets de pierre. Bézélios les élude.
    — C’était un repaire d’hérésiarques. L’ost 2 y a mis bon ordre. C’est vieux, il n’y a rien à craindre.
    Son aplomb met fin aux interrogations. De toute manière la troupe est fatiguée ; le repas sitôt expédié chacun se roule dans une couverture et plonge dans le sommeil. Seuls Wallah et Bézélios restent aux aguets. La bête n’est pas morte, cela se saurait ! Le pilonnage du hameau s’est donc soldé par un échec. Mais cela implique également que le monstre peut revenir. Où se cache-t-il à l’heure présente ? La montagne n’est que failles, crevasses, et cavernes ; il n’est guère compliqué d’y dénicher une tanière. Dormir le jour, chasser la nuit… c’est la règle chez les prédateurs.
    Wallah pose une couverture sur ses épaules et l’arc turquois à ses pieds. Elle apprécie cette arme dite « recurve » qui a ôté la vie à tant de chevaliers français lors des croisades. Elle prélève deux flèches, qu’elle fiche en terre, puis enfile des pouciers métalliques pour protéger ses

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