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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Regarde-les, ils rêvent de
nous voir au gibet. Peut-être vaudrait-il mieux que ce Jean d’Agnis ne
réapparaisse pas.
    — Tais-toi ! Es-tu devenu couard ? Sais-tu ce
qu’il t’en coûterait si tu ne remplissais pas la mission que t’a confiée la
reine ?
    Ancelin ravala sa salive. Elle passa dans sa gorge que le
bourreau d’Eléonore se chargerait de couper ou de serrer. Il tenait à devenir
chevalier et cette nomination passait par une obéissance absolue. C’était bon
de vivre, même en terre hostile. C’était bon et rassurant de voir tourner les
saisons, de sentir le froid, le chaud, l’humide et les caresses des vents. Ancelin
prenait plaisir à être ici, parmi les paysans qui tressaient les tiges de genêt
et offraient de longues toiles pour une poignée de sous, dans la chaleur des
chevaux qui foulaient le sumac utilisé pour le tannage des cuirs, à sentir les
baies de myrte avec lesquelles on assaisonnait poissons et viandes. Son cœur
battit avec allégresse quand il vit les demoiselles de la cour.
    Elles étaient six et assaillaient les chariots des
colporteurs devant lesquels s’agglutinaient les femmes de toutes conditions. Jausserande
de Claustral, Adalarie d’Avignon et Alix Gonter de Dardanus accompagnées de
trois jeunes servantes, menaient le négoce. Ancelin avait le regard d’un mâle
qui s’éveille au désir. Les pupilles de ses yeux bleus s’attachèrent aux
frisons d’une nuque blonde. Il avait déjà rencontré cette jeune fille gracile
qui lui tournait le dos.
    Alix Gonter de Dardanus, pensa-t-il très fort. Ce nom
sonnait comme celui d’une héroïne de l’Antiquité romaine. Alix avait un fort
caractère ; elle remettait souvent en cause les décisions de dame Bertrane
de Signes qu’elle servait loyalement. Par une alchimie secrète, alors qu’il ne
lui avait jamais adressé la parole, il en était tombé amoureux. Ce secret, il
le gardait pour lui ; il ne l’avait jamais confié à son confesseur de l’église
Saint-Pierre.
    Un soir, dans la chapelle Saint-Jean, agenouillé devant les
reliques rapportées par Guigo et Geoffroy de Signes, il avait fait vœu de
défendre, de servir et d’aimer la demoiselle Alix en l’honorant. Il aspirait à
porter ses couleurs ; il se voyait se battre en tournoi avec les rubans de
la belle noués au cimier de son heaume. Mais comment lui avouer ses sentiments ?
Il n’était pas libre de ses mouvements. Casteljaloux exigeait sa présence
constante. Et puis il n’avait aucune expérience des femmes, rien d’un amant ;
il ne pouvait pas s’exprimer comme un troubadour. Son impuissance le mettait en
rage.
    Les habitantes de la cour étaient bien plus hardies que
leurs sœurs d’Aquitaine, surtout cette Jausserande qui le considérait comme un
niais. Jausserande se disputait avec un marchand. Un attroupement se forma. On
se serrait à étouffer, maintenus par les culs et les ventres, gobant les mots
qu’échangeaient l’habile colporteur et la noble connue pour ses frasques.
    Ancelin joua des coudes et se retrouva contre Alix qui
écoutait la Claustral se fâcher.
    — Quoi ? Trois raymondins d’argent pour une toise
de cette soie ? Un demi-marc d’argent pour ce carré d’étoffe des Flandres ?
Un solidus d’or ce vase prétendument d’Égypte ? C’est du vol ! J’ai l’œil
et le toucher ; les étoffes qui ont de l’apprêt bouffent ! Pas
celle-là. Elle a bien cinq ans d’âge ! On connaît bien vos méthodes, messires
les marchands. La qualité pour les villes, les invendus pour les villages !
    — C’est faux ! C’est faux ! répliqua le
colporteur. Je réserve toujours mes plus belles pièces à la cour d’amour. Vois
ce vase et estime-le à son âge. Il a trois mille ans et a été trouvé dans l’un
de ces immenses tombeaux qui faisaient l’admiration des voyageurs grecs. En
vérité, il est inestimable.
    Jausserande considéra l’objet avec dégoût. Un Horus, un
Anubis et un Thot entourés de hiéroglyphes le décoraient.
    — En plus tu voudrais nous vendre cette abomination
volée dans une tombe ! Dieu me damnerait si j’acquérais ce vase peint de
figures démoniaques et de signes magiques. Me prends-tu pour une sorcière de
Signes la Noire ? Peut-être aurais-tu plus de chance avec Delphine de Dye,
ajouta perfidement Jausserande. La vieille chouette a de l’intérêt pour les
choses païennes.
    — Eh bien, va donc voir les marchandises de mes
confrères ! s’écria

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