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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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n’avaient dénoncé Jean à Casteljaloux. Ils le protégeaient,
l’acceptaient ; il était de leur sang. Il avait vu le jour sur une
paillasse à Agnis, berceau des Ligures et des Celtes dont ils étaient les
descendants.
    — Merci, mon Alius.
    Ce fut les seuls mots qu’Aubeline put prononcer. Ses gens l’avaient
mise à nu en perçant les secrets de son cœur.
    — Viens, dit-elle à Jean.
    Ils remontèrent à cheval et suivirent le canal jusqu’au
point où il devait faire sa jonction avec la rivière.
    — Qui est cet Alius qui s’exprime si bien ? s’enquit
Jean.
    — Un ancien clerc de Marseille qui a abandonné son
étude par amour. Un jour, alors qu’il se rendait à Signes pour établir un
contrat d’héritage, il a rencontré Marthe, une lavandière habitant à
Meynarguette. Frappé d’amour, il n’est jamais reparti, a épousé la belle et lui
a fait six enfants.
    — Ce sont des choses qui arrivent, répondit Jean en
écoutant son cœur battre tambour.
    — Oui, fit-elle du bout des lèvres alors que son propre
cœur s’emballait.
    Ils dépassèrent le trou d’eau verte dans lequel tombait une
cascade et atteignirent une borie. Aubeline mit pied à terre, prit le sac à
provisions accroché à sa selle et entra dans l’édifice de pierres sèches qui
servait d’abri aux bergers. Le sol était couvert de paille. Dans un coin un
âtre sommaire avait été construit. Elle repéra le tas de bois, le silex et l’amadou.
    Jean entra à son tour.
    — J’ai du pain, du vin et du fromage, dit Aubeline. On
va allumer un feu.
    Il l’aida à réunir les brindilles, à frapper le silex, à
entretenir le feu fragile et naissant. L’âtre s’embrasa quand Aubeline plaça un
fagot de sarments. Lorsque les hautes flammes léchèrent les pierres noircies, elle
étendit les bras et offrit sa poitrine à la chaleur.
    — Tu as froid ? lui demanda-t-il.
    — Oui…
    — Viens contre moi.
    Il l’avait prise de court. Elle se retrouva entre ses bras, non
pas tremblante de froid, mais d’amour. Ils restèrent ainsi une longue minute, se
respirant l’un l’autre ; puis la main de Jean se mit à caresser les
cheveux d’Aubeline. Elle redressa la tête, chercha ses lèvres et les goûta. Dès
cet instant, les dernières barrières tombèrent ; elle n’attendrait pas le
jour du mariage pour lui appartenir. Elle le força à s’allonger…
    Elle l’avait chevauché, dompté, mené au plaisir par deux
fois. À présent, elle était sous lui, touchée au plus profond de ses chairs à
chacun de ses coups de reins. Son sang avait coulé, sa jouissance se répandait
entre ses cuisses et son cœur s’emplissait d’un amour ardent. Aubeline aurait
voulu que ça ne finisse jamais. Aussi le retenait-elle, les ongles enfoncés
dans son dos ; elle happait ses lèvres, le mordait. À un moment, vidé, il
n’eut plus la force de continuer ; il se laissa tomber sur elle, le
souffle court.
    Le feu mourait ; le jour aussi. L’humanité entière
était peut-être morte car aucun son ne leur parvenait de l’extérieur. Ils ne se
souciaient pas de la fin du monde. Ils s’étaient trouvés et ils s’aimaient.

31
    Élise avait pleuré. Elle ne croyait pas à la trêve. Elle ne
connaissait même pas ce mot avant d’arriver à Meynarguette. Robert lui en avait
expliqué le sens. À Marseille, il n’y avait ni trêve ni paix. La loi était
celle des évêques complices des marchands. Le port brassait truands et voleurs
tout au long de l’année et la période de Noël n’y changeait rien. Les religieux,
les nobles et les bourgeois continuaient à faire bombance dans les bordels
tandis que dans les venelles du Panier les larrons dépouillaient joyeusement
les passants isolés. Pourquoi en serait-il autrement à Signes ? La
proximité de la Sainte-Baume n’était pas une garantie de neutralité et Élise ne
croyait pas que des anges descendraient du ciel pour se mêler des sales
affaires des humains. On allait tuer ses chevaliers. Elle eut un regard de
reproche pour Aubeline qui se taisait tout en triturant nerveusement ses mains.
Puis elle s’adressa rudement aux deux hommes qui s’équipaient comme s’ils
partaient en croisade :
    — Les dames sont des menteuses !
    — Les dames ne mentent jamais, répondit Robert. Demande
donc à Aubeline qui sert la cour d’amour.
    — C’est vrai, dit la fille du templier. Nous avons
toujours respecté la trêve de Noël, mais je ne peux m’engager

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