Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
alla aux écuries s’occuper
des chevaux, Élise perdit confiance. Elle tendit alors la coupe de ses mains
vers la Sainte-Baume. Il y avait là-haut sous la couronne froide de la brume l’esprit
de Marie Madeleine. Elle l’appela. La sainte saurait veiller sur les deux
chevaliers.
     
    Aide nos chevaliers, sainte Marie Madeleine,
    Que par tes pouvoirs ils ne craignent ni les terreurs de la
nuit,
    Ni la flèche qui vole au grand jour,
    Ni la peste qui rôde dans le noir,
    Ni le fléau qui frappe à midi.
    Qu’il en tombe mille à leurs côtés,
    Qu’il en tombe dix mille devant eux,
    Qu’il tombe enfin Casteljaloux,
    Mais que Jean et Robert restent hors d’atteinte.
    Je te bénis, sainte Marie Madeleine…
     
    Tout était calme aux abords de Signes quand Jean, Robert et
Bérarde sortirent du ravin du Latay. La Burgonde huma l’air en fermant les yeux, puis elle leur fit comprendre qu’il n’y avait pas de danger à poursuivre
leur chemin. Des Rigaudelles à Pracabat, la très riche plaine avait été
retournée par les bêchards. Des centaines d’hommes étaient à l’ouvrage. Ils
aéraient la terre. Par groupes de quatre, ils poussaient des charretées de
pierres qu’ils allaient déverser sur les rives du torrent. Jean oublia qu’il
était proscrit, qu’il avait passé trois ans à guerroyer. La lance lui parut
soudain lourde au poignet. Il avait cherché la paix à Jérusalem et la paix s’offrait
à présent à son regard.
    Le cor sonna. Il jeta une longue note lugubre. Au donjon des
Dames, les sentinelles venaient de les repérer. L’appel glissa sur la plaine, soulevant
les têtes des sillons tandis que des profondeurs des maisons surgissaient
femmes, vieillards et enfants.
    — On ne risque rien, c’est la trêve.
    Robert se rassurait avec le mot « trêve ». Il l’avait
prononcé une bonne vingtaine de fois depuis leur départ. Il perdait de sa
valeur au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient. Il n’en avait aucune
pour la géante qui avait détaché sa hache de son dos et la laissait balancer au
bout de son bras. Jean s’en inquiéta et demanda :
    — Bérarde n’a pas l’air de ton avis. Comme sais-tu qu’elle
sera respectée ?
    — La rompre constituerait un crime ; les dames l’ont
établie, Bertrand de Signes l’a ratifiée sur un parchemin déposé dans l’église
Saint-Pierre. Qui oserait s’opposer au comte et à la comtesse du fief ?
    — Dis-moi, depuis combien de temps n’es-tu pas venu au
village ?
    — Mais c’est la première fois que je m’y rends ! Il
y a huit ans j’ai tué un neveu de Bertrand en combat singulier au pont du
Diable. Le comte ne m’a pas fait arrêter car il y avait des témoins. J’ai
toujours battu mes adversaires sans leur ôter à tous la vie, loin de là. Ces
victoires ont bâti ma légende mais je ne suis pas en odeur de sainteté dans le
coin, aussi dois-je me rendre avec mes paysans à Cuges, à Gémenos et Aubagne
pour acheter du sel et vendre de la chaux, de l’huile d’olive et du marbre que
nous produisons en quantité. Ha, ha ! Il court même le bruit que je sers
les sorcières de Signes la Noire.
    Jean était abasourdi par ce qu’il venait d’entendre. Un
picotement le parcourut, signe avant-coureur des pires ennuis. Le mot « trêve »
ne pesa plus rien dans sa tête. Il en était banni. Le poids de la lance se
révéla rassurant. Il le fut d’autant plus que les paysans accouraient avec
fourches et faux. Les drôles les accompagnèrent jusqu’à l’entrée ouest du
village sans se montrer menaçants.
    Les deux chevaliers pénétrèrent dans la rue de Marseille
bordée de constructions neuves grouillantes d’habitants. Leur passage souleva
un murmure de crainte et d’admiration mêlées. Le terrible chevalier de
Paneyrolle fut immédiatement reconnu ; il y avait ceux qui l’avaient vu, gardant
son pont maudit ; ceux qui entretenaient leurs peurs en écoutant les
aventures de ce noir personnage aux veillées. Un nombre plus réduit se
félicitait de ses exploits. Par sa présence, il rabattait la superbe des
chevaliers du fief qui tremblaient à l’idée de l’affronter, et il tenait tête
au comte enlisé dans ses bondieuseries et ses actes de contrition.
    — Le messager des sorcières, souffla une femme.
    — L’envoyé du diable, murmura quelqu’un.
    — Le dernier des hommes libres…
    Sur son destrier moreau, son habit de mailles couvert par un
camail noir, le visage dissimulé

Weitere Kostenlose Bücher