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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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du trio et poussa des
grognements. La géante était effrayante. La masse se sépara en deux vagues. Derrière
les chevaliers, le moine au bras saignant appelait à la vengeance.
    — Sacrilège ! Sacrilège ! Maudits ! À moi
les Signois ! Sus à ces pécheurs ! Qu’attendez-vous ? Ils sont
trois et vous êtes mille !
    Il se baissa, ramassa une pierre et montra l’exemple en la
lançant sur Robert. Le projectile manqua sa cible, mais fit son effet. Un grand
tumulte monta et ébranla les rues. Le flot s’élança à la poursuite des
chevaliers et de Bérarde qui houspillaient leurs coursiers. Coutelas, marteaux,
serpettes, bêches et battoirs s’élevèrent au-dessus des têtes. Les enfants
cherchaient des pierres, les femmes poussaient des hurlements.
    — Place ! Place ! criaient Jean et Robert
tandis que Bérarde n’hésitait pas à donner de violents coups de pied à ceux qui
s’approchaient d’elle.
    — Bérarde ! lança Jean. Pour l’amour de Dieu, ne
verse pas de sang ou nous sommes perdus.
    Ils ne voulaient pas se servir de leurs armes, ils
laissaient faire les chevaux. Les bêtes bousculaient les téméraires ; elles
forçaient sur leurs jarrets, grimpant de plus en plus vite.
    Au bout du raidillon se dressait une muraille fortifiée. Les
dames se tenaient derrières ses créneaux. Elles observaient, ébahies et
inquiètes, Bérarde et les deux chevaliers poursuivis par la meute des
villageois. À leurs côtés, les vieux archers tendaient les cordes de leurs arcs.
Stéphanie s’était emparée de son épée dès la sonnerie du cor. Puis, en
entendant les clameurs, elle avait exigé que toutes les dames et les demoiselles
s’arment. Bertrane tenait une large et lourde épée mais elle se sentait
incapable d’en user.
    — Le chevalier noir du pont du Diable ! s’écria un
garde en voyant la tête rouge du loup.
    L’égarement passa dans les regards. Les dames contemplèrent
le chevalier maudit. Il jaillissait d’ailleurs ; il venait ravir leurs
âmes ; il fouettait son formidable destrier avec la hampe de la lance. Le
soleil n’avait pas de prise sur cette sombre apparition. Tous les archers
ajustèrent la pointe de leurs dards sur les deux hommes en pestant contre
Bérarde qui caracolait au-devant d’eux. Ils s’apprêtaient à tirer sur ordre
quand Alalète d’Ongle s’exclama :
    — Le chevalier d’Agnis est avec lui !
    C’était lui, c’était son blason, c’était Jean, c’était le
félon tant décrié par Casteljaloux. Bérarde arrêta sa monture au pied de la
muraille et communiqua par signes avec Bertrane, Stéphanie et Alix, les seules
à comprendre le langage de la muette.
    — Ils viennent en paix. N’oubliez pas que la trêve est
proclamée. Il déplairait au Christ de voir mourir des hommes à la veille de
Noël.
    — Que dit cette Barbare ? demanda Delphine de Dye
qui ne savait pas encore comment exploiter cette situation à son profit.
    Alix Gonter de Dardanus lui traduisit le message de la
géante. Delphine haussa les épaules ; elle ne respecterait pas la trêve si
les événements se précipitaient. Elle avait passé un accord secret avec Hugon
des Baux et les sorcières de Signes la Noire la servaient fidèlement en
préparant des poisons et en adressant des incantations aux forces infernales en
sa faveur. La vieille femme était prête à tous les compromis pour s’emparer du
pouvoir à la cour d’amour. Elle prit soudain le parti de ne pas lier son destin
à ces deux bravaches qui ne représentaient pas grand-chose sur l’échiquier
politique : un renégat et un bandit. Depuis des semaines, la comtesse
faisait tout pour se rendre agréable auprès de Casteljaloux ; elle
espérait la reconnaissance de la reine Eléonore. Elle avait même pris l’initiative
d’offrir une prime supplémentaire pour tout renseignement concernant le
chevalier d’Agnis. À présent, on tenait ce chien, ce n’était pas le moment de
détruire le travail accompli. Il fallait les larder de traits, couper leurs
têtes et emporter leurs dépouilles à Château-Vieux.
    Jean d’Agnis ! Le cœur de Bertrane s’arrêta de battre. Elle
vit soudain les bras tendus des archers, les flèches menaçantes. Elle cria :
    — C’est la trêve ! Baissez vos armes !
    — Tu es devenue folle ! lança Delphine. Tuez-les !
    Les archers hésitaient. Ils baissèrent leurs arcs quand ils
croisèrent le regard impérieux de la dame au cygne. Bertrane n’admettait

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