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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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envies de batailler le
reprirent. Il aurait même croisé le fer avec ses frères si ces derniers avaient
eu l’intention de le maîtriser.
    — Bertrane ! Je te maudis ! Que le diable t’emporte
avec les dames de ta cour et les catins qui te servent, ajouta-t-il en coulant
un regard meurtrier vers Aubeline et Bérarde.
    La comtesse continua à le toiser malgré la menace de la
grande épée levée. Elle ne quittait pas le regard fauve de son gentil cousin
qui, de sa main libre, ramena violemment son destrier. La bête lâcha un
hennissement effrayant ; elle était pareille à son maître, l’écume
maculait ses naseaux, ses sabots s’étaient teintés de sang en piétinant le
bourbier des cadavres. Ils formaient un couple échappé d’une boîte de Pandore.
    Avec une rapidité de magicienne, Bertrane abaissa la hampe
de sa bannière. Touché à la poitrine, Hugon partit à la renverse. Elle, si
fragile, si peu préparée au métier des armes, venait de surprendre l’un des
meilleurs chevaliers de Provence. Il n’avait pas pu parer le coup. Si la
bannière avait été ferrée, il serait mort sur-le-champ. Tous les hommes le
contemplaient. La honte le gagna. Aujourd’hui, deux femmes avaient eu raison de
lui. Deux traîtresses. Toutes deux méritaient leur part d’acier dans le ventre.
Il ne voulait pas en rester là. Il fit siffler sa lame rougie. La chair de
cette jouvencelle devait être tendre à souhait. Sa robe blanche lui allait comme
un linceul. Il visait le cœur quand la pointe de l’épée qui avait appartenu à
son père se posa sur sa gorge.
    — Tiens-tu à perdre ta vie et ton honneur ? Tiens-tu
à être dévoré par les corbeaux comme les mécréants à qui l’enterrement est
refusé ?
    Stéphanie le tenait en respect. Elle avait pressenti le
drame et elle remercia saint Rémy d’être intervenue à temps. Ce fils qu’elle
aimait trop finirait par la dégoûter.
    — Mère…
    — Suffit ! Il y a des corps à ensevelir
chrétiennement. Déposons les armes, prions pour le repos des âmes et que tout
ce qui peut l’être soit sauvé. Je t’ordonne de creuser la première tombe. Et
que tous ici présents suivent son exemple !
    Ces mots, comme des paroles prononcées dans un songe, tirèrent
Hugon de sa folie. Il prit conscience de l’affreux tableau qui attristait sa
mère et sa cousine.
    La plaine et les marais étaient jonchés de mourants qui
gisaient les uns sur les autres, innombrables. Ils mêlaient leurs écus bosselés,
leurs armes brisées, leurs chevaux étripés. Par endroits, là où les bannières, objet
de leurs convoitises, avaient été brandies, ils s’entassaient, cassés, écartelés,
poisseux et couverts de mouches. La mort aidée par la chaleur et les
charognards de toute espèce parachevait son œuvre.
    — Je veux la paix ! clama Stéphanie. Qu’on le
fasse savoir à mon cousin de Barcelone. Bertrane, tu seras notre médiatrice. Nous
traiterons en Arles.
    Bertrane acquiesça et lorsque la bannière au cygne se
déploya à nouveau dans l’azur de la Camargue, les hommes se mirent à sauver les
corps et les âmes.

8
    La puissante ville d’Arles n’était pas en fête. Le deuil
était entré par la porte fortifiée de la mer. Il se lisait dans les regards des
habitants qui avaient vu passer ces colonnes de soldats attristés et tous ces
chariots transportant des blessés par centaines. Aubeline et Bérarde avaient
pansé des hommes des deux camps, réconforté de pauvres bougres que la gangrène
dévorait déjà. La Burgonde avait maintenu des braves que les chirurgiens
recousaient ; Aubeline n’avait pas pu supporter la vue de ceux qui avaient
perdu des membres et qu’on remettait entre les mains des prêtres après les
avoir cautérisés au fer rouge ou au feu des torches. Mandée par Bertrane, elle
avait fui les lieux de souffrances qu’étaient devenues les places publiques et
les écuries.
     
    Les seigneurs d’Aubagne, de La Ciotat, de Ceyreste, de La Cadière, d’Ollioules et de tous les fiefs dépendant des Baux n’avaient-ils
pas démérité depuis de nombreuses années ? L’idéal de Roland et de
Godefroi de Bouillon, qu’ils confondaient avec celui de leurs ancêtres, guidait
leurs actes. Nombreux avaient été les exploits des lignées remontant à
Charlemagne. Cette fois pourtant, l’ardeur d’en découdre les avait entraînés au
bord de la catastrophe. Ils se sentaient indignes ; ils s’en étaient
confiés à leurs

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