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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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tenait
fermement la bannière au cygne. Elle était la seule à pouvoir raisonner le
comte de Barcelone. Toute la chevalerie chrétienne de l’Atlantique à la mer
Noire la respectait depuis qu’elle patronnait la cour d’amour. Des quatre coins
d’Europe, on venait la consulter avant les demandes en mariage et pour les
questions délicates de succession. Elle allait acquiescer lorsque Hugon, que
cette suggestion rendait fou de rage, intervint :
    — Jamais nous ne traiterons avec ces porcs !
    — Hugon, mon ami, dit calmement Bertrane, ne
comprends-tu pas que l’issue de cette bataille va nous être fatale ? Vois
toi-même : ils sont plus de six mille et nous alignons le tiers de ces
forces. À quoi bon sacrifier la fleur de la jeunesse provençale ? La
plupart de nos chevaliers se sont croisés pour suivre le comte de Toulouse, ils
nous font cruellement défaut. Attendons le retour de ces braves et nous verrons
alors si nous pouvons forcer notre cousin à renoncer au comté des Baux. Je t’en
conjure, Stéphanie, donne-moi le quart d’une heure et je me fais fort de
trouver un chemin jusqu’au cœur de Raymond Bérenger.
    — Cousine ! gronda Hugon en coupant la parole à sa
mère. Moi je me fais fort de le lui arracher. Tu peux repartir à Signes si tu
le veux ; nous n’avons que faire de lâches alliés. Enroule ta bannière et
prends la route de Marseille.
    — Ma bannière flottera jusqu’au crépuscule.
    — Alors donne-moi ces deux-là, fit Hugon en désignant
Aubeline et Bérarde, car à voir leur regard je doute qu’elles refusent de
charger cette racaille.
    — Nous appartenons au ban de Bertrane, répliqua
Aubeline. Je n’ai nulle envie de me battre aux côtés d’un fanfaron, fût-il
comte des Baux ou roi d’Angleterre.
    — Ravale tes paroles, femelle !
    Hugon avait dégainé son épée. Aubeline pointa sa lance sur
lui. La Burgonde frappa son bouclier avec sa hache.
    — Suffit, vous deux ! ordonna Stéphanie en poussant
son cheval entre les belligérants.
    Aubeline et Bérarde reculèrent. Vexé, Hugon rengaina son
arme et fit signe à son écuyer de lui remettre sa lance. Après avoir fixé la
hampe à sa hanche droite et s’être couvert de l’écu, il cria :
    —  À l’asard Bautezar !
    C’était la devise des Baux, des mots que l’on apprenait dès
la petite enfance et qui étaient aussi sacrés que « Je vous salue Marie »
ou « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Ils furent repris
par des centaines de gorges. Stéphanie pâlit. Son fils lançait la bataille en
dépit de tous les handicaps. Les chevaliers ajustèrent leurs armes. Ils s’ébranlèrent
derrière Hugon ; les archers et la piétaille les suivirent dans un grand
ferraillement. Hugon houspilla sa monture qui s’appelait Ravage. C’était un
cheval terrifiant, formé aux chocs brutaux, mordant sur ordre, increvable. Hugon
jeta un regard de mépris à la fille du templier et à la Barbare, puis il prit rapidement de l’avance.
    La cavalerie des Baux se déploya. Face à elle, l’armée
ennemie grossissait dans un vacarme effroyable, poussée par les tambours, les
trompettes et les cors. Le soleil flamboyant multipliait les éclats des casques,
élargissait à l’infini les herses brillantes des javelots ; et c’était, tout
autour des étangs de Scamandre et du Charnier, un monstrueux épanouissement de
mort couvert par la légèreté des oriflammes qui se tordaient et serpentaient
dans la brise capricieuse.
    Aubeline et Bérarde trépignaient, attendant un ordre de
Bertrane. Elles brûlaient de s’illustrer dans cet affrontement titanesque que
de mémoire de Provençaux on n’avait plus connu depuis les guerres burgondes, wisigothes
et franques. Il y avait des bannières à prendre, des écus ennemis à accrocher
aux murs de Meynarguette, des exploits à transmettre à ses descendants. Mais
Bertrane n’esquissait aucun geste, laissant l’initiative aux Baux, et il ne
fallait pas compter sur son époux pour sonner la charge. Le dévot seigneur de
Signes tentait de communiquer avec Dieu par l’intermédiaire d’incantations
mystiques connues de lui seul. Aubeline et Bérarde le maudirent. Le miracle ne
viendrait pas du ciel. Dieu, d’après ce que l’on savait, n’avait pas envoyé un
seul ange lors de la prise de Jérusalem en 1099.
    — C’est tout de même un valeureux chevalier, fit la Burgonde à Aubeline.
    Hugon fonçait vers la ligne des arbalétriers. Il

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