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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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l’église. À cause de l’amour
démesuré de sa cousine pour la paix, il avait perdu son honneur, la confiance
de ses hommes, le respect de sa mère et l’appui des saints. Cette gueuse de
Signes allait payer ; il saurait lui prendre la vie, la lui retirer goutte
à goutte ; la faire dévorer par les rats dans le plus profond des cachots.
Mais avant, il la donnerait en pâture à ses soldats. Il mesura l’immensité de
cette tâche en constatant combien il était seul. Se redressant, il siffla
Ravage. Le cheval dressa l’oreille, s’ébroua, puis vint caresser son maître de
ses naseaux.
    — T’en fais pas, mon beau ; tu auras ta part de
Bertrane. Cette dame est très fluette, ses os se briseront sous tes sabots.
    Ce fut alors qu’il repéra les deux cavaliers dans le
lointain. On le suivait. Bien ! Il n’avait pas l’intention de se cacher. Le
contenu du traité n’était pas encore parvenu au capitaine des gardes des Baux
et aux chefs des différentes places fortes léguées à Bérenger. Il avait le
temps de rassembler une belle troupe et d’entrer en rébellion.
    — Allez, Ravage ! Va plus vite que le vent ! Il
y a des braves qui nous attendent aux Baux.
    Quand Aubeline et Bérarde virent Hugon pénétrer dans l’imprenable
forteresse et le pont-levis se relever derrière lui, elles décidèrent de
prendre la route du levant.
     
    Avec ces nombreuses troupes en ses murs, la bonne ville d’Arles
drainait à elle tous les paysans du pays. Ils n’étaient pas les seuls à
accourir avec paniers, tonneaux, poules, lapins, dindons, moutons et marmaille.
Par charrettes entières, les prostituées d’Avignon et de Marseille avaient
rejoint leurs consœurs dans le quartier des Arènes cerné par les marchands et
la canaille. Après deux jours de deuil, ce fut semaine de fêtes, semaine de
ripailles et de bombances, semaine d’amours faciles. On oublia vite la guerre. Stéphanie
avait réglé toutes les affaires urgentes et ses dettes. Les seigneurs épargnés
par le traité étaient repartis vers leurs fiefs ; les autres attendaient
le bon vouloir de Raymond Bérenger. Le comte de Barcelone avait l’intention de
faire le tour de ses nouvelles possessions. Pour l’heure, on s’entassait
toujours dans les maisons fortifiées des chevaliers urbains, ces seigneurs
belliqueux qui se partageaient la ville, et les dépendances de l’archevêché. Les
tours de défense avaient été réquisitionnées et les aubergistes ne savaient
plus où loger ce beau monde. Les petits chevaliers dormaient dans les greniers,
les sergents dans les étables et les soldats où ils pouvaient. Dans la tour sud
des Saintes-Marie, Bertrane, Stéphanie et quelques proches prenaient leurs
aises depuis le départ de Bertrand de Signes et de ses chevaliers. Le comte n’avait
guère insisté pour emmener son épouse avec lui. Il avait projeté de se rendre à
l’abbaye Saint-Victor à Marseille afin de se laver de ses péchés en s’enfermant
quelques semaines dans une cellule.
    — Ce n’est pas sage, Étiennette, se plaignit Guillaume,
il est encore temps de renoncer à ce pèlerinage. Tu dois réorganiser tes forces
au sein des fiefs qu’on a daigné te laisser.
    Étiennette, il l’avait appelée Étiennette, de son prénom de
naissance, comme pour lui rappeler qui elle était véritablement. Cela faisait
plus de trente ans que personne ne l’avait appelée ainsi. Stéphanie se rappela
sa mère Gerberge qui grondait du « Étiennette » du matin au soir. Elle
préférait oublier ce prénom. Pour toute réponse, le bon frère eut droit aux
sourires des deux femmes. Bertrane et Stéphanie, il le savait, ne fléchiraient
pas. Face à la statue de bois de saint Trophime, elles avaient fait vœu de
rejoindre à pied la Sainte-Baume. À présent, elles étaient pareilles aux
pèlerins qui sillonnaient les rues encombrées. Les plus courageux se rendaient
à Jérusalem, les autres se contentaient d’aller prier dans les nombreux
sanctuaires éparpillés en Provence.
    — Mon bon abbé, mes fils sauront prendre en main nos
maigres possessions. J’ai fait envoyer une lettre à l’empereur Conrad III
pour assurer notre protection. En ce qui nous concerne, nous ressemblons à des
pauvresses. Qui voudrait nous faire du mal ? répondit Stéphanie.
    — Les routes sont sûres, ajouta Bertrane. Les Sarrasins
n’abordent plus nos côtes. Les brigands se terrent dans les gorges et dans les
anciens oppidums des Ligures,

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