Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
tenait son
morceau de viande qui s’égouttait sur la demi-miche de pain blanc. La cuisine
était bonne, pas l’ambiance. Il se murmurait des choses à leur encontre ; on
leur décochait des sourires fielleux. À un moment, quatre hommes bardés de cuir
se décidèrent à leur tenir compagnie.
    Jouant des épaules, goguenards de gueule, ils s’installèrent
à leur table.
    Aubeline dressa un sourcil.
    — Bonjour, mes belles, dit un grand escogriffe à la
face balafrée.
    Il eut un sourire à dégoûter une lépreuse. Ses dents cariées
se chevauchaient, son haleine empestait le vin et l’aigreur de son estomac.
    — On vous a invités ? demanda Aubeline d’un air
innocent.
    — Manquerait plus que ça ! Sacredieu ! On est
chez nous ici ! s’exclama le meneur à la cicatrice.
    Les trois autres rigolèrent. Ils n’avaient pas meilleure
dentition que leur chef, et au concours de celui qui avait le plus de poux dans
sa barbe et ses cheveux, on aurait eu du mal à désigner un gagnant.
    — Comme vous pouvez le constater, messeigneurs, nous
prenons tranquillement notre repas et nous ne comptons pas nous attarder dans
votre bonne ville de Trets.
    — C’est joliment dit… Que signifie cette croix
templière sur ton écu ? s’enquit le bonhomme qui prenait ses aises et se
rapprochait de plus en plus d’Aubeline.
    Cette dernière ignora la question et mordit dans la viande.
    — Et celle-là, pourquoi elle parle pas ? demanda
un autre homme en caressant les cheveux de la Burgonde.
    Tout alors se déroula très vite. La géante se saisit de la
tête de deux soudards et les fracassa l’une contre l’autre. Aubeline planta sa
cuillère de bois dans la bouche de l’escogriffe, lui cassa quatre dents, puis
se saisit de son épée avec laquelle elle entailla légèrement le cou du
quatrième homme.
    Les gaillards étaient hors d’état de nuire. Les deux
guerrières achevèrent tranquillement leur repas, rotèrent et tirèrent leur
révérence aux spectateurs éberlués.
    — Vous vous paierez sur ces hommes, dit Aubeline à l’aubergiste
en désignant les quatre pleutres qui reculaient en rampant. Nous avons cru
comprendre que nous étions leurs invitées.
    Au troisième coup de cloche, les deux cavalières se
retournèrent sur la ville de Trets et s’esclaffèrent. C’est alors qu’elles
aperçurent le nuage qui s’élevait à l’ouest. Il n’était pas de bon augure. Elles
éperonnèrent leurs montures et filèrent comme le vent vers Fuveau.

10
    La bave luisait sur les naseaux de Ravage. Par moments, Hugon
encourageait son cheval par des cris effrayants. Trente hommes à l’esprit aussi
dérangé que le sien le suivaient. Tous pensaient à la revanche et à la
poursuite de la guerre. Hugon avait fait la même démarche que sa mère, il avait
dépêché un messager en Allemagne pour demander de l’aide à l’empereur Conrad III.
Il ne s’en était pas tenu à cette seule initiative. Deux moines munis de
lettres d’introduction étaient partis en Angleterre afin de convaincre le roi
de soutenir les Baux. Le comte de Barcelone n’avait pu faire main basse sur le
trésor des Provençaux. Stéphanie l’avait fait secrètement transporter à Signes.
Hugon comptait bien récupérer ce pactole. L’or était le nerf de la guerre. Dans
les coffres évacués, il y avait de quoi entretenir une armée de dix mille
hommes pendant cinq ans !
    La meute galopait sur la route, soulevant un nuage de
poussière. Ceux qui la voyaient passer se signaient. Jamais chevaliers et
destriers n’avaient paru aussi inquiétants. Le soleil entamait son déclin quand
l’aîné des Baux atteignit Trets.
    Les sentinelles du château aperçurent la bannière qui se
détachait sur le front bleuâtre de la Sainte-Victoire. Elles reconnurent l’armure d’Hugon. Sur son écu, l’étoile des Baux leur
renvoya un rayon de soleil. Leur seigneur arrivait, se frayait un chemin à
travers les ténèbres de leur conscience en proie à l’appréhension. L’une d’elles
se rua sur la trompe de cuivre et sonna l’alerte. Les soldats s’écrièrent :
    — C’est le comte ! C’est Hugon des Baux !
    Un sergent dévala les marches de la tour d’angle, traversa
la cour intérieure, avala deux par deux les degrés du donjon, poussa une lourde
porte cloutée et beugla :
    — Hugon nous vient !
    — Par le cul du diable ! Quel Hugon ?
    — Hugon, l’aîné des Baux.
    Il y eut un juron étouffé. Dans la

Weitere Kostenlose Bücher