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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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décontenancé. Qui osait
lui tenir tête ? Il la découvrit dans sa robe de bure, humble mais déterminée,
fendant les rangs des soldats avec cette fille de templier.
    Bertrane, consciente de son aura et de l’ascendant qu’elle
avait sur tous ces barbares, sûre de son bon droit, s’arma de son courage. Elle
prit à témoin les nobles.
    — Vous le savez bien, la terre de Provence m’est chère
comme elle l’est à vos cœurs. Ce traité pourrait m’affliger, pourtant je m’en
réjouis. Les pays s’étendant de l’Espagne à l’Italie sont désormais à l’abri de
la destruction, de la famine et des épidémies engendrées par la guerre, et j’en
suis heureuse pour vos femmes et vos enfants, pour nos paysans qui ont tant à
se battre contre les fléaux de la nature. Rejoignez vos foyers et si malgré
tout le démon vous tente, alors croisez-vous ! Choisissez de défendre le
royaume de Jérusalem. Ce conseil vaut pour toi, Hugon. Tes rêves de batailles
sont là-bas, au-delà de l’Oronte et de la vallée de Josaphat. Cent mille Turcs
et cent mille Arabes t’attendent dans les déserts de Judée. Couds une croix
rouge sur ton manteau et embarque-toi à Marseille.
    — Jamais !
    Hugon était au bord de l’apoplexie. Il se rua hors du cercle
des grands chevaliers, hors de l’église. Des idées de meurtre plein le crâne
lui firent oublier qu’il portait le nom prestigieux des Baux. Il bouscula les
mendiants et les badauds, frappa des moines en prière, renversa une femme
enceinte sur son chemin. Il n’entendait point les cris, les lamentations, ni sa
mère sur le parvis qui lui ordonnait de revenir. Quand il enfourcha son cheval
de guerre, il ricanait comme un dément.
    — Seigneur, protégez-le, souffla Stéphanie en retenant
ses larmes.
    Elle sentit la poigne ferme de Bertrane sur son épaule.
    — Il s’est grisé de haine, tu ne peux rien pour lui. Pense
à toi désormais. Accompagne-moi en pèlerinage jusqu’à la Sainte-Baume. De là nous nous rendrons à Signes. Ta place est à mes côtés avec les dames de
la cour d’amour. Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour changer
ce monde… Nous avons tant à faire… Tant à faire… dit-elle avant de se tourner
vers Aubeline : Toi et Bérarde, suivez Hugon et informez-nous de ses faits
et gestes. Nous vous attendrons à Fuveau.

9
    Il était bien plus difficile à traquer que la Bête, bien plus dangereux. Aubeline et Bérarde le suivaient à distance depuis qu’il avait
franchi les portes de la cité. Il était d’abord retourné sur les lieux de la
bataille où il avait erré une journée entière en se lamentant. À la nuit tombée,
il s’était réfugié dans une tour de guet abandonnée avant de filer vers le
nord-est sans raison apparente. Le second jour, il avait encore changé de
direction après avoir dormi dans une bergerie. Maintenant, les deux femmes se
confondaient avec les pierres, se dissimulaient derrière les maigres rideaux d’arbres,
dans les moindres plis du terrain.
    Son cheval volait au-dessus des buissons. Hugon lui
labourait les flancs, le frappait. La plaine de la Crau brûlée par le soleil lui apparaissait comme l’antichambre de l’enfer. Il ne craignait
plus rien ni personne. Sa bouche écumante proférait des jurons, son regard
narguait l’horizon plat de cette terre qui lui appartiendrait à jamais. Il se
fichait du traité auquel sa mère s’était soumise.
    Soudain, son cheval épuisé se cabra et se coucha dans la
poussière rouge de la plaine déshéritée. Le cœur d’Hugon cognait contre la
cuirasse ; il le laissa battre, trouvant du plaisir à rester étendu sur la
terre de son fief de Salon. Puis ses lèvres se tordirent de haine à l’idée de
tous les châteaux passant sous la domination de son ennemi.
    — O Bérenger, je n’ai pas voulu de ton marché. Et si tu
me proposais tous les trésors d’Espagne avec ton amitié en prime, j’essaierais
encore de t’arracher le cœur. Tu as tué mon père. Tu as humilié ma mère. Mieux
vaut la mort que de voir flotter ta bannière sur le donjon des Baux.
    Il griffa le sol, pourchassant en vain l’image du comte de
Barcelone. Puis le visage de Bertrane s’imposa à lui et il se souvint de l’affront.
Sans cette Aubeline d’Aups, elle ne serait plus de ce monde. Il avait manqué de
courage et de lucidité. Il aurait dû clouer l’une d’un coup de lance sur le
champ de bataille et égorger l’autre sur l’autel de

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