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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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pénombre de la salle
basse et voûtée, quelque chose remua. Le sergent prit l’initiative d’écarter
les peaux qui masquaient l’entrée et vit le Bâtard allongé sur sa vaste
paillasse.
    Odet d’Alègre, dit le Bâtard de Trets, était nu. Nues aussi,
les deux jeunes femmes et l’adolescente à ses côtés. Le Bâtard avait d’énormes
appétits sexuels ; il consommait femmes, fillettes et garçons sans
distinction, les livrant à son grand corps et à ses vices. Les prêtres
tentaient en vain de le réfréner en lui décrivant les supplices en enfer de
ceux qui se livraient aux débordements de la chair, il leur riait au nez et
leur proposait de participer à ses orgies. Il affichait cependant une certaine
réserve à Pâques et à la Noël ou lorsque l’évêque lui rendait visite. La venue
d’Hugon lui coupa ses envies. Il le craignait plus que Stéphanie et s’attendait
à être vertement tancé, voire jeté au cachot. Il ne s’était pas rendu avec sa
compagnie en Camargue.
    Alors qu’il jetait un regard mauvais sur son sergent, ses
compagnes frissonnantes essayaient de dissimuler leurs appas comme elles le
pouvaient. Il se pencha sur la plus jeune et grommela :
    — Tu n’as rien à cacher, ta fente est sans poils et ta
poitrine est plate. Qui démon hante, démon devient.
    File d’ici, petite, Hugon ne ferait qu’une bouchée de toi !
Allez, zou, vous autres ! Mon bliaud, mes chausses et mes bottes, le
maître des Baux et de Trets va arriver d’un instant à l’autre ! Couvrez-vous,
chiennes !
    Les femmes bondirent hors de la couche et enfilèrent des
robes de laine avant de tendre ses vêtements au Bâtard qui eut tout juste le
temps de se couvrir. On entendit un bruit d’éperons, des pas pesants et rapides.
Précédant deux chevaliers de sa suite et deux autres de Trets, Hugon parut sur
le seuil de l’antre du Bâtard. Sa cagoule de mailles à demi rejetée en arrière
laissait voir ses cheveux clairs emmêlés et poisseux de sang séché. Ses yeux
pareils à des écailles d’argent se posèrent sur Odet d’Alègre. Il renifla, fit
la grimace. L’endroit sentait la vinasse, l’urine et le stupre.
    — Salut à toi, Hugon, bégaya Odet.
    — Tu as bien fait de ne pas te présenter à la bataille,
le Bâtard, nous aurions subi de plus lourdes pertes, gronda le comte.
    — Je n’étais… pas prêt… Et il… Enfin, tu comprends. Quelqu’un
devait assurer les arrières… On ne sait jamais avec les Niçois et les Génois.
    — Tais-toi, sale porc.
    Le Bâtard s’avança à pas comptés. Sa couardise légendaire
sourdait à travers les pores de sa peau. Les arguments qu’il tenait en réserve
se désagrégèrent en un embrouillamini de peurs. Son ventre gargouilla quand il
s’évertua à ne pas fuir le regard de son maître.
    Hugon contempla la couche, secoua la tête puis arracha les
tentures qui bouchaient les ouvertures.
    — Ça pue !
    — Qu’on nous apporte du vin ! ordonna le Bâtard.
    Hugon se laissa lourdement choir sur un coffre.
    — Tu sais pour le traité ? demanda-t-il.
    — Les nouvelles se répandent vite, répondit prudemment
Odet. On dit que le traité n’a pas été à notre avantage… Enfin, c’est la paix
et…
    — Il n’y aura pas de paix tant que je serai vivant. Ce
traité ne vaut rien. Nous avons été trahis.
    Hugon se mit à raconter la bataille sans omettre l’étrange
épisode au cours duquel la Burgonde de Signes avait failli occire Raymond
Bérenger, l’intervention catastrophique de Bertrane, le manque de troupes, la
couardise et la duplicité de l’évêque d’Arles, la résignation de sa mère et l’abdication
de ses frères. Le Bâtard se tenait roide. Il était nerveux. Le jeune comte des
Baux voulait du sang, et très vite ; il le sentait. Il crut à un moment
que ce dernier allait l’embrocher quand il répéta que plusieurs lâches avaient
préféré rester à l’abri derrière les murs de leurs châteaux. Il avait sorti son
épée et la pointait vers un ennemi imaginaire. Au contraire, il le félicita :
    — Ta décision a été la bonne. En assurant la sécurité
de la vallée de l’Arc, tu as sauvé la garnison de Trets. Trois cents hommes, ce
n’est pas négligeable dans ma position… Ah, Odet ! Sur qui puis-je compter ?
Où sont mes amis ? hurla Hugon.
    Un page fit son entrée. Il portait un plateau de cuivre sur
lequel étaient posés un cruchon et des gobelets. Ce fut la victime toute

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