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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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d’Odet s’émoussa. La peur l’empala
comme s’il tournait déjà le dos à la cible. Bertrane de Signes… La femme la
plus protégée et la plus aimée de Provence, la reine de la Sainte-Baume, l’amie de sainte Marie Madeleine et des anges. Personne n’avait jamais porté la
main sur une dame de la cour d’amour. Cela allait à l’encontre de toutes les
règles de la chevalerie. Il s’agissait d’éliminer un symbole fort de la
chrétienté, plusieurs chevaliers avaient fait vœu de défendre Jérusalem sur sa
demande et on ne comptait plus les preux qui avaient porté ses couleurs dans
les tournois. De plus, elle était l’épouse du comte Bertrand dont les espions
pullulaient dans toute la région. Approcher la dame sans éveiller les soupçons
était plus difficile que d’entrer dans la chambre du pape.
    — C’est que… balbutia Odet.
    — Eh bien, quoi ? L’entreprise te paraît-elle
vouée à l’échec ? Mon ami, il faut prendre à cœur les intérêts de la Provence. Il est clair que si nous n’avions pas été amollis par ces femelles qui de Toulouse
à Pierrefeu rendent des sentences amoureuses et nous taxent de dépravés, de
menteurs et de sacrilèges, nous serions les hommes les plus heureux de ce pays.
N’es-tu pas mon vassal ? Ne t’ai-je pas comblé d’honneurs, nommé
officiellement gouverneur dans l’église de Notre-Dame-de-Nazareth devant la
population quand les vicomtes descendant du grand Arlulf ont décidé de s’installer
à Marseille ? Odet, tu es un dieu dans ton château, plaisanta-t-il en
faisant allusion au nom de la montagne sur laquelle était bâtie la forteresse :
l’Olympe. Mais j’ai l’intention d’en ériger un plus grand flanquant les
remparts sud de Trets. Mon jeune cousin Burgondion ou mon neveu Geoffroy se
feraient un plaisir d’y loger et de défendre la ville.
    Le visage du Bâtard se rembrunit. Il voyait ses chances de
régner dans la vallée de l’Arc s’amenuiser. Burgondion et Geoffroy étaient deux
jeunes opportunistes qui avaient rejoint la croisade de Louis VII en
espérant se couvrir de gloire et revenir en conquérants en Provence.
    — Je tiens à garder Trets mais je ne comprends pas ton
acharnement contre cette femme… Non, je ne comprends pas… Je n’aime pas ça. Je
cours le danger d’être mis au ban de la chevalerie et de voir se lever contre
moi de nombreux adversaires.
    — Qui te parle d’agir en personne ?
    Hugon tentait toujours son subalterne avec sa bourse. Il en
défit les lacets de cuir et laissa couler les pièces qui tintèrent en touchant
les dalles, roulèrent dans tous les sens. Un rayon de soleil pénétrait dans le
donjon et des marcs resplendirent dans le miel de cette lumière. À la vue de
cet or répandu sans respect, le Bâtard chassa ses craintes. Son regard animal
couva la petite fortune à la portée de ses mains avides. Bertrane ne lui
apparaissait plus comme une vierge sacrée. Il s’installait déjà dans le rapport
confus qui se tisse entre l’assassin et sa future victime. Toute une minute s’écoula
dans cette paradoxale tranquillité. Le visage confiant, Hugon reprit :
    — Oui, j’ai de la haine pour la Signoise et je veux te la faire partager. Es-tu mon frère d’armes ?
    — Oui !
    — Es-tu prêt à risquer ta vie pour venger l’honneur des
Baux et de la Provence ?
    — Oui ! Et je peux recruter des hommes de
confiance qui agiront avec les tiens.
    — J’ai mon idée pour le recrutement.
    — Laquelle, monseigneur ?
    — Je veux que tu libères quelques-uns de tes fauves
emprisonnés dans les cachots les plus sombres.
    Odet comprit. Le château de l’Olympe était connu pour sa
prison et ses oubliettes. On y enfermait la plupart des criminels arrêtés sur
les terres s’étendant des Baux à Toulon pour meurtres, pillages, incendies, viols ;
des hommes de la pire espèce.
    — On ne peut leur faire confiance, s’inquiéta Odet.
    — On les tiendra par l’argent et la peur.
    Le Bâtard acquiesça, mais il n’était pas totalement
convaincu.
    — Allons-y !
     
    La lumière ambrée de la fin d’après-midi enluminait la Sainte-Victoire et les remparts intérieurs quand les deux complices traversèrent la cour. Ils
n’eurent pas un regard pour les pauvres et les cochons qui fouillaient les
ordures sous les cuisines. Il y avait beaucoup de femmes hébétées, dont
quelques-unes serraient contre elles des bébés malingres. Leurs longs cheveux

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