Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
désignée.
Hugon se rua sur lui, le prit au collet et le rudoya.
    — Je suis entouré de traîtres !
    Le page lâcha son plateau. Le cruchon se brisa. Le vin se
répandit par terre. La fureur d’Hugon sembla décupler ; il avait l’épée
levée et serrait la gorge du garçon incapable de se défendre. Les chevaliers
qui avaient accompagné Hugon ne bronchaient pas. Ils tenaient trop à leur
propre vie. Le Bâtard prit le parti d’intervenir ; un meurtre n’aurait pas
arrangé les affaires du comte, ni les siennes.
    — Hugon ! Hugon ! Laisse-le ! Par Jésus !
Il est innocent. Il appartient à une famille de Fuveau qui t’est fidèle. Les
gens d’ici sont de ton côté. J’en suis ! Qui parle catalan dans nos fiefs ?
Dis-le-moi. Ne te trompe pas d’ennemis, argumenta Odet tout en essayant de séparer
les deux hommes. Demande-nous ce que tu veux ! Recrutons des troupes, nomme-moi
capitaine, mon bras attend tes ordres.
    Ces paroles calmèrent le seigneur des Baux. Il lâcha le page,
rengaina son épée et posa une main sur l’épaule du Bâtard.
    — Ami, pardonne-moi.
    « Ami » pesa comme un sac de plomb sur le dos d’Odet.
    — Ami, répéta Hugon, j’ai quelques confidences à te
faire. Sortez, vous autres, ordonna-t-il aux chevaliers et au page.
    Tous s’éclipsèrent sur la pointe des pieds. Hugon et Odet
étaient enfin seuls dans cette porcherie, à l’abri des oreilles indiscrètes. Le
donjon ne possédait pas de passages secrets ; il était bâti d’un seul
tenant de pierres grises et s’élevait solitaire au-dessus de ses défenses et
des remparts du village, tel un surgeon de la Sainte-Victoire. Hugon se détendit, emmena son féal vers l’une des étroites ouvertures
percées dans la muraille. Il prit son temps avant de parler, cherchant des
signes dans le ciel. De la vaste plaine de l’Arc, qui avait vu autrefois
déferler les hordes des Cimbres et des Teutons, marcher en carrés parfaits les
légions de Rome, s’affronter les Burgondes et les Wisigoths, refluer les armées
de Clovis, un long murmure monta, se mua en sifflements dans les cordes
maintenant les oriflammes sur les chemins de ronde. Les bandes de tissu se
déployèrent et ondulèrent tels des serpents. Ce son continu annonçait la levée
du mistral. Hugon s’emplit les poumons de cet air qui fleurait bon le thym et
la lavande. Aux Baux, il devait déjà souffler dur. Il aimait ce vent furieux et
batailleur. La Provence se manifestait dans toute sa gloire et sa force quand
il prenait possession d’elle. Le mistral lui rappela son père luttant contre
les feux que le roi des vents attisait. Il se revit enfant avec ses frères et
des centaines d’hommes et de femmes luttant pour sauver les cultures. Il en eut
les larmes aux yeux. Le mistral faisait désormais claquer les drapeaux catalans
sur ses chères terres.
    — Tu as raison, commença-t-il d’une voix émue, beaucoup
me sont fidèles, mais il y a tous les autres, ceux qui hier louaient la sagesse
de ma mère et aujourd’hui courtisent Bérenger, ceux qui veulent la disparition
du nom des Baux, ceux à qui il faudrait crever les yeux et qu’on devrait
conduire au bûcher. C’est de ces derniers que je veux te parler. D’une en
particulier…
    À cet instant, il se fit matois. Ses yeux se plissèrent. D’une
main de voleur, il fit surgir une bourse pleine sous le nez du Bâtard. Il la
secoua ;les marcs tintèrent.
    — Il y en a cinquante… d’or.
    Cinquante marcs d’or ! Hugon voulait-il faire tuer l’impératrice
d’Allemagne ou celle de Byzance ? À son tour, le Bâtard se fit madré. Son
visage mafflu s’éclaira d’un sourire qui découvrit ses dents carnassières. Pour
une somme pareille, il était prêt à assassiner l’évêque d’Arles… Hugon avait
cependant parlé « d’une ». La bourse se balançait entre les doigts
bagués du seigneur des Baux et les pièces chantaient de plus en plus fort dans
l’imagination d’Odet.
    — C’est une somme, articula-t-il la gorge sèche.
    — C’est que la tâche à accomplir n’est pas facile…
    — La mort avec sa faux ne fait grâce à personne, ainsi
que les sujets, les rois elle moissonne ! Et des rois ont été empoisonnés
ou égorgés pour moins que cela. Dis-moi qui je dois faucher avec cette épée !
fit le Bâtard en se précipitant sur son arme pendue au-dessus de la couche.
    Il la dégaina et fendit le vide.
    — Bertrane de Signes.
    À ce nom, la hardiesse

Weitere Kostenlose Bücher