La Fin de Fausta
elle chercha, des yeux, autour d’elle, à qui pouvaient bien s’adresser ces tendres appellations : « Ma mignonne, douce colombe. » Elle se vit seule avec Stocco qui continuait à rouler des yeux langoureux et à prendre des poses qu’il croyait irrésistibles. Il lui fallut bien admettre que tout cela : œillades, soupirs, attitudes et langage fleuri – si nous osons dire – s’adressait à elle, bien à elle seule.
Certes, l’idée ne pouvait pas lui venir que Stocco avait assisté, invisible, à son entretien avec Concini et Léonora et que ce qu’il se dépêchait de courtiser en elle, c’étaient les cent mille livres que Concini lui avait promises et qu’il savait bien qu’il lui donnerait scrupuleusement. Mais elle était méfiante en diable. Sans soupçonner la vérité, elle flaira d’instinct la manigance. Elle se tint sur ses gardes, et railla :
– Ouais ! vous chantiez sur un autre ton, tout à l’heure, quand vous menaciez de me caresser les côtes à coups de trique, que vous m’ordonniez de me tenir à quatre pas derrière vous pour qu’on ne vous crût pas en compagnie d’une mégère de mon acabit et que vous me présentiez à monseigneur comme une vieille truie !
– Ai-je dit truie ?… Oui ?…
Disgraziato di me,
je parle si mal le français !
– Vous l’avez dit en italien.
– Précisément, et c’est de là que vient l’erreur, affirma Stocco sans se déconcerter. Je vais vous expliquer : j’ai voulu traduire votre nom en italien. Par malheur, truie, goret, gorelle, tout cela qui se ressemble, ou tout au moins qui tient de la même famille, s’est mêlé dans mon esprit et j’ai confondu l’un pour l’autre.
Comme il la voyait suffoquée par cette explication fantastique que, par surcroît, et sans s’en rendre compte, il fournissait de son air de se moquer des gens, il crut devoir ajouter :
– D’ailleurs, pour parler franc, je dois vous avouer que j’étais hors de moi, et ne savais plus trop ce que je disais. Je vous le dis parce que je vois que vous êtes femme à comprendre ces sortes de choses. J’étais furieux parce que j’avais dû me distraire d’une affaire à laquelle je consacre tout mon temps et qui doit me rapporter la coquette somme de cent cinquante mille livres.
Ayant lancé ce chiffre d’un air détaché, il la guignait du coin de l’œil pour juger de l’effet produit. C’est que, comme Léonora, il l’avait jugée tout de suite, et il pensait bien que l’importance du chiffre lui ferait oublier tout le reste. Il ne s’était pas trompé.
– Cent cinquante mille livres ! s’écria-t-elle émerveillée.
– Pas une maille de moins.
– C’est une somme ! admira-t-elle. Et naïvement, en toute sincérité :
– S’il en est ainsi, je comprends et j’excuse votre humeur. C’est si naturel !
– N’est-ce pas ?
– Ah ! mon Dieu, oui ! Moi, si quelqu’un risquait de me faire perdre une somme pareille, je deviendrais positivement enragée… Je serais capable de l’étrangler de mes faibles mains… Dieu sait pourtant que je suis douce, point méchante, et ne ferais pas de mal à une mouche !…
Déjà, elle était allumée. Déjà son esprit battait la campagne. Déjà elle ruminait, en louchant sur Stocco qui souriait d’un air conquérant et frisait sa moustache avec frénésie :
« Je l’avais mal regardé !… Il n’est pas si mal !… Et moins mauvais diable qu’il paraît !… Si je pouvais !… Tiens, pourquoi pas ?… Pourquoi ne prendrai-je pas ma part de ce mirifique gâteau ? Essayons toujours, et sainte Thomasse me soit en aide. Si j’en tire quelque chose, si peu que ce soit, ce sera toujours autant d’attrapé ! »
Elle se rapprocha de lui, la bouche en cœur, roulant des yeux tout blancs. Lui, la voyant conquise, lui offrit le bras, auquel elle se suspendit amoureusement, roucoula en lui serrant tendrement la main :
– Je ne pourrai jamais me faire à ce nom de La Gorelle qui sent trop la porcherie… Comment vous appelle-t-on, de votre petit nom ?
– Thomasse.
– A la bonne heure ! Voilà un nom de chrétien ! Frais, pimpant, gracieux… comme celle qui le porte !… Moi, on m’appelle Amilcare. C’est un nom guerrier !
– Il est beau !… comme celui qui le porte !…
Cet aveu étant parti comme malgré elle, elle s’efforça de rougir. Il lui prit de nouveau la main, la baisa, et dans un élan de passion :
–
O cara
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