La Fin de Fausta
elle comprit que ce qu’il avait à dire était d’une importance capitale pour elle.
Doucement, avec d’infinies précautions pour ne pas le toucher, car elle le voyait à bout de forces, elle se pencha sur lui, approcha de ses lèvres une oreille dans laquelle le colosse blessé, d’un souffle vacillant, laissa tomber un mot… un seul mot !
Mais ce mot, paraît-il, était doué d’un pouvoir prodigieux, car, en l’entendant, l’impassible visage de Fausta s’illumina un fugitif instant. Et un éclair sinistre fulgura dans ses splendides yeux noirs.
Elle se redressa un peu et, visage contre visage, des yeux elle fit une interrogation muette. Il y répondit de même, en laissant tomber un regard sur lui-même. Elle tâta l’endroit qu’il venait de désigner. Il y avait une poche, là. D’une main agile et légère, elle fouilla dedans. Ce fut fait avec une rapidité extraordinaire.
Quand elle retira sa main, elle tenait un objet qui devait être bien minuscule, car il disparaissait complètement dans cette main fermée, si petite. Et tout au fond de ses prunelles sombres, il y avait comme une lueur de triomphe.
Alors, à son tour, elle plaqua les lèvres contre l’oreille du blessé et lui glissa quelques mots. D’un cillement, il fit entendre qu’il avait compris ou qu’il obéirait. Puis il ferma les yeux et parut s’assoupir. Et quelque chose comme l’ombre d’un sourire qui errait sur ses lèvres livides indiqua à Fausta que, fidèle et dévoué jusqu’à la mort, il oubliait les souffrances endurées pour se réjouir d’avoir, tout sanglant et réduit à l’impuissance qu’il était, pu rendre à sa maîtresse un dernier et, sans aucun doute, signalé service.
Alors Fausta se redressa tout à fait, s’écarta doucement des deux hommes qui, tout à leur besogne, n’avaient prêté aucune attention à ce minime incident qui, d’ailleurs, n’avait peut-être pas duré une minute. Au surplus, l’eussent-ils remarqué, qu’ils n’y eussent attaché aucune importance : le blessé se plaignait, elle se penchait sur lui, l’arrangeait, le réconfortait par quelques douces paroles. Quoi de plus naturel ?
Seulement, maintenant, en se rapprochant d’eux, Fausta avait repris les mêmes allures un peu débraillées, le même sourire bon enfant, un peu railleur et un peu naïf aussi, qu’elle avait l’instant d’avant, lorsqu’elle était attablée avec Escargasse et Gringaille et qu’elle choquait familièrement son gobelet contre le leur.
Et ceci était terriblement inquiétant pour eux…
Gringaille et Escargasse la virent soudain près d’eux. Gravement, elle s’occupait à vérifier les vins.
– Hé bé ! plaisanta Escargasse, vous avez fini de bouder contre votre ventre ?
– Si vous avez encore quelques millions à nous offrir, ne vous gênez pas, railla Gringaille. Maintenant, nous n’avons plus la clef.
– Nous ne risquons plus de nous laisser tenter, insista Escargasse. Fausta tourna vers eux un visage contrarié. Et, comme si elle n’avait pas entendu, elle protesta avec aigreur :
– J’en étais sûre !… Cette brute d’hôtelier ne nous a pas mis un seul flacon d’anjou… Et c’est précisément le vin que je préfère !
– C’est de votre faute, aussi ! reprocha Gringaille. Pourquoi ne l’avez-vous pas dit quand je vous ai demandé de dire ce que vous aimiez le mieux ?
– Est-ce que j’y pensais à ce moment ! gronda Fausta, furieuse. Et désignant Escargasse :
– Celui-ci avait failli me passer son épée au travers du corps !… Si vous croyez que j’avais la tête à choisir du vin !…
Et se calmant soudain, sur ce ton d’irrésistible autorité qui était le sien :
– Voyons, l’hôte n’est peut-être pas encore remonté… il me semble que je l’entends… appelez-le, dites-lui qu’il vienne de temps en temps s’assurer si nous n’avons besoin de rien…
Et comme ils esquissaient un geste, sans leur donner le temps de formuler leur refus, avec un air de bonhomie admirablement joué :
– Vous êtes ridicules avec votre excès de précautions, reprit-elle en levant les épaules.
Et s’animant un peu :
– Croyez-vous vraiment que, sans armes, comme me voilà, je vais passer sur le ventre de deux gaillards comme vous, qui ont au côté les deux immenses colichemardes que vous y avez ?… Vous ne le pensez pas, n’est-ce pas ? Et vous avez bien raison… Croyez-moi, il ne faut rien
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