La Fin de Fausta
aux griffes de laquelle vous avez eu tant de mal à nous arracher ?
– Celle-là même ! Mordiable, il n’y a pas deux Fausta !…
– Et vous dites, s’indigna la duchesse, que le duc est devenu l’ami de cette ennemie mortelle qui, dix fois, a voulu nous meurtrir tous les deux ?
– Je le dis. Et vous voyez que M. le duc ne me dément pas. Ceci vous explique, Violetta, pourquoi je suis devenu, moi, un ennemi pour lui.
– Oh ! quelle honte !
– Au nom du roi, s’impatienta la voix dans la rue, ouvrez, ou, mordiable, je fais enfoncer la porte !
Pardaillan fit deux pas dans la direction du duc. Et de sa voix glaciale :
– Allez ouvrir, monsieur, et ne craignez rien pour vous : je vous affirme que ce sont de bons amis à vous. Allez, vous dis-je, profitez de l’occasion. Ouvrez-leur la porte, dites-leur que je suis ici, et laissez-les faire… Et vous voilà à tout jamais débarrassé de moi… Plus d’obstacle désormais entre vous et ce trône que vous convoitez… Moi mort, vous n’avez plus qu’à le prendre… quitte à le partager avec M me Fausta… Allez, allez donc, je vous dis que vous ne retrouverez jamais pareille occasion de vous débarrasser de moi.
Alors, seulement, le duc d’Angoulême comprit que le conseil que lui donnait Pardaillan était on ne peut plus sérieux. En d’autres temps, ce conseil l’eût fait bondir comme le plus sanglant des affronts qui ne pouvait se laver que dans le sang. Ce temps n’était plus. Non seulement le duc ne ressentit pas l’insulte, mais encore une flamme ardente, qui s’alluma dans son regard, indiqua qu’il estimait que le conseil était bon à suivre.
La duchesse ne le quittait pas des yeux. Elle saisit au passage cette flamme. Elle lut dans sa pensée. Et en elle-même, elle gémit :
« Oh ! M. de Pardaillan avait raison : il va le livrer ! Ah ! que maudite mille fois soit l’ambition qui, du plus généreux et du plus loyal des gentilshommes, fait le dernier des misérables ! »
Pourtant, contre son attente, le duc ne bougea pas. Il leva dédaigneusement les épaules et, un sourire étrange aux lèvres, il s’accota à la porte. Ce qui était une manière de barrer la route au chevalier.
Dans la rue, le marteau de fer forgé s’abattait sans relâche sur la porte d’entrée. Et la même voix impérieuse lança encore une fois :
– Dernière sommation : ouvrez ou je fais enfoncer la porte !
– Enfoncez, si vous voulez, grommela le duc avec flegme. Son attitude équivoque ne pouvait pas leurrer un observateur de la force de Pardaillan. Et même s’il avait pu conserver encore un doute, les paroles maladroites du duc eussent suffi, à elles seules, à le chasser. Pardaillan se trouva fixé sur la manœuvre du duc, aussi complètement que s’il s’était donné la peine de la lui expliquer.
Moins pénétrante, et d’ailleurs toujours un peu influencée, malgré elle, par son affection, la duchesse crut que le duc refusait de livrer le chevalier. Elle eut un cri de joie triomphante :
– Ah ! je vous le disais bien, chevalier, que tout sentiment d’amitié ne pouvait pas être mort à tout jamais en lui !
Pardaillan se mit à rire doucement, du bout des lèvres.
– Que vous êtes naïve ! dit-il simplement.
– Que voulez-vous dire ? s’effara la duchesse.
Sans lui répondre, Pardaillan s’adressa au duc, et de sa voix mordante :
– Je vous fais mon compliment ! dit-il. On voit que vous êtes à bonne école avec M me Fausta. Il faut vous rendre cette justice que vous profitez admirablement de ses enseignements. Tudieu, voilà une idée merveilleuse, qui sent son cafard de sacristie d’une lieue. Une idée qui ne vous serait jamais venue avant d’avoir pris les leçons de cette ancienne papesse.
Et revenant à la duchesse qui écoutait tout effarée, se demandant avec inquiétude s’il ne devenait pas fou, il expliqua paisiblement :
– Monsieur pouvait descendre carrément, ouvrir la porte et me livrer. En agissant ainsi franchement, il relevait, jusqu’à un certain point, une action vile par un semblant de crânerie. Il n’a même pas eu ce triste courage. Il préfère laisser enfoncer sa porte. La porte enfoncée – et ce ne sera pas long, écoutez, ils cognent dur et ferme en bas, – d’Albaran et Concini envahissent la maison et me mettent la main au collet. Et voyez comme les choses s’arrangent : Monsieur se trouve débarrassé de moi, sans que je
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