La Fin de Fausta
grossièrement trompé dans mon raisonnement, c’est par là que Fausta va venir… Et bougonnant : quand je pense que je suis venu plus de vingt fois ici et que je n’ai jamais eu l’idée d’étudier ce mur d’un peu près !… Il leva les épaules : oui, mais, pour étudier ce mur, il aurait fallu avoir des soupçons… et ces soupçons, c’est la lecture du billet de Fausta qui me les a suggérés… Et puis, à quoi bon me mettre l’esprit à l’envers : Fausta, tout à l’heure, va m’indiquer où se trouve la porte et comment on l’ouvre !… A moins qu’elle ne soit déjà arrivée ! Diable ! voilà qui ne ferait pas mon affaire !…
Il éteignit sa lanterne, la glissa sous le manteau et mit le pied sur la première marche de l’escalier. A mesure qu’il montait, sans que le moindre craquement trahît sa présence, une faible lueur arrivait jusqu’à lui. Il songea :
« La porte de la première cave doit être ouverte. »
En effet, au haut de l’escalier, il y avait une porte grande ouverte : une vraie porte en cœur de chêne, celle-là. Et c’était une vraie cave, le double plus grande que l’autre, où se voyaient les mille objets divers qu’un paysan entasse habituellement là, qui, d’un côté, était divisée en trois petits caveaux, fermés simplement au loquet, et que des soupiraux éclairaient et aéraient comme toutes les caves.
Cette cave, ces deux caves superposées plutôt étaient les caves de la ferme où Fausta avait donné rendez-vous à Pardaillan pour le lendemain matin, dix heures.
Au fond de cette cave, déjà beaucoup plus claire que la cave inférieure, on voyait l’escalier en spirale qui conduisait au rez-de-chaussée. Pardaillan alla droit à cet escalier et se mit à le monter avec précaution. La porte qui se trouvait au haut de ce deuxième escalier devait être ouverte comme la première, car, à mesure qu’il montait, le jour se faisait plus vif, et, en même temps, il percevait un murmure de voix : des voix masculines.
En effet, cette porte était aussi grande ouverte. Pardaillan redoubla de précautions et arriva, sans avoir été éventé, jusqu’au minuscule palier qui se trouvait au haut de l’escalier. Il tendit l’oreille, risqua un œil.
C’était l’humble cuisine d’un pauvre paysan. Au milieu, une table grossière, en bois mal équarri, assez propre pourtant. Sur la table, une bouteille entamée, deux gobelets d’étain, deux falots éteints. Autour de la table, sur deux escabeaux, deux paysans.
Deux paysans ? Oui, si on s’en tenait au costume. Non, si on les observait de près. Pardaillan ne s’y trompa pas un instant. D’ailleurs, en l’un de ces paysans qui buvaient et s’entretenaient en un français qui n’était certes pas celui de paysans ignorants, il reconnut l’officier espagnol qui avait amené d’Espagne les millions que Valvert lui avait enlevés et qu’il avait complaisamment guidé jusqu’à la rue du Mouton.
De l’autre côté de la table, debout, les servant et leur témoignant une déférence qui allait jusqu’au respect, un paysan d’un certain âge. Un vrai paysan, celui-là, et pour cause, c’était le basse-courier des religieuses, le maître de céans, en somme, qui s’effaçait ainsi devant ces deux faux paysans auxquels il aurait eu le droit de commander, attendu que, depuis peu, les religieuses les lui avaient donnés pour lui servir d’aides.
Dès les premiers mots, Pardaillan fut fixé : les trois hommes attendaient Fausta. Fausta qui devait arriver par les sous-sols. En effet, au bout de quelques minutes, après avoir consulté une grosse montre qui, à elle seule, eût suffi à le trahir, un des deux Espagnols prononça :
– C’est le moment d’aller recevoir Son Altesse.
Ils se levèrent, prirent les falots, se dirigèrent vers l’âtre pour les allumer.
Pardaillan n’attendit pas qu’ils eussent terminé. Il descendit vivement au second sous-sol. Il jeta les yeux autour de lui. Le dessous de l’escalier formait une cavité qu’obstruaient en partie des caisses à moitié pourries. Il se glissa là-dessous, derrière les caisses, en se disant :
« D’ici, je verrai à merveille où se trouve cette porte et comment on l’ouvre. Mais diantre, s’ils s’avisent de regarder dans cette niche, je suis pris, moi, comme un renard dans son terrier ! »
Et se rassurant :
« Bah ! Fausta ne se méfiera pas plus que ne se méfient ces deux braves
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