La Fin de Fausta
mal inspiré que d’y venir. »
Et son naturel insouciant reprenant le dessus, haussant les épaules :
« Attendons… et ouvrons l’œil. Je ne tarderai pas à être fixé. »
La porte secrète qu’il venait d’ouvrir et de fermer se rouvrit. D’Albaran et les deux Espagnols parurent dans le couloir. Ils laissèrent la porte ouverte derrière eux, le caveau demeurant faiblement éclairé par le falot qu’ils y avaient laissé. D’Albaran marchait en tête, éclairant la marche. Les deux gentilshommes le suivaient, riant et plaisantant. Seulement, maintenant ils ne s’entretenaient plus qu’en espagnol. D’ailleurs, ce n’était pas pour gêner Pardaillan, qui entendait et parlait l’espagnol et l’italien aussi bien que le français.
D’Albaran vint s’arrêter à une dizaine de pas de Pardaillan qui se rencogna dans son trou, devant la porte secrète qui donnait accès à cette grotte où le chevalier, quelques instants plus tôt, avait pris une lanterne. Il ouvrit. Il allait entrer. L’officier, que Pardaillan avait guidé le soir de son arrivée à Paris, l’arrêta par le bras et, avec une familiarité déférente :
– Seigneur d’Albaran, dit-il, où conduit donc cette galerie, par là ? Et il tendait la main dans la direction où Pardaillan se tenait aux écoutes.
– Nulle part, comte, répondit d’Albaran. Et il expliqua :
– Cette galerie, assez étroite, comme vous voyez, est assez longue. Mais c’est un cul-de-sac sans issue.
– Sans issue ! fit l’officier à qui on venait de donner ce titre de comte. Là-bas, elle paraissait sans issue, cette galerie. Et cependant, elle aboutit aux caves de la ferme. Ici, où nous sommes en ce moment, elle paraissait également sans issue.
« Tiens ! il n’est pas si bête, ce señor comte ! » songea Pardaillan. Et il ajouta :
« Tous ces nobles hidalgos, sans feu ni lieu, sans sou ni maille, sont pour le moins comtes ou marquis. »
– Je vous entends, comte, répondit le colosse. Aussi croyez bien que nous avons fait sonder cette galerie pouce par pouce, autant dire. S’il y avait eu une issue, nous l’aurions trouvée.
« C’est que vous avez mal cherché ! » sourit Pardaillan.
L’entretien ne fut pas poussé plus loin. Les trois hommes entrèrent dans la grotte. Pardaillan ne les vit plus. Ils en ressortirent presque aussitôt, d’ailleurs. Les deux gentilshommes, l’un derrière l’autre, roulaient chacun un tonnelet sur le sable blanc qui tapissait la galerie. Le colosse, sans se soucier de salir son splendide pourpoint de velours et de satin, portait dans ses bras deux de ces tonnelets, l’un sur l’autre.
Pardaillan, il faut croire, les connaissait, ces tonnelets, car il murmura, fortement intrigué :
– La poudre ! les balles !… Pourquoi diable déménagent-ils tout cela ?…
Et se frappant le front comme quelqu’un qui vient de trouver :
– Niais que je suis ! c’est à cause de moi qu’ils déménagent cette poudre ! Fausta n’ignore pas que je connais l’existence de cette grotte… elle se dit que je suis bien capable de faire sauter cet arsenal comme les trois autres… et elle prend ses précautions, ce qui est assez naturel, en somme… Malheureusement pour elle, elle ne se doute pas que je sais le moyen de pénétrer dans ces caves. En sorte qu’elle se donne une peine bien inutile… Parbleu, je ne suis pas fâché d’avoir trouvé cette explication… Car c’est bien cela !… Ce ne peut être que cela !
Malgré l’énergie avec laquelle il s’affirmait que « ce ne pouvait être que cela », il ne paraissait pas bien convaincu. La vérité est qu’il commençait à soupçonner la véritable raison de ce déménagement. Mais cette idée, qui s’insinuait dans son cerveau, lui paraissait si horrible, si monstrueuse, qu’il refusait d’y croire et s’efforçait de la repousser.
Malgré tout, elle le poursuivait si bien, cette idée, qu’il fit un mouvement pour sortir de sa cachette, s’approcher, voir…
Malheureusement, après un premier voyage, d’Albaran décida :
– Roulez les tonneaux jusqu’ici ; moi je les monterai et les rangerai là-haut.
Et Pardaillan, pour ne pas trahir sa présence, dut demeurer à sa place, car les deux gentilshommes espagnols, ayant établi un va-et-vient de la cave à la grotte, il eût été infailliblement découvert s’il était sorti de son ombre.
Il en résulta que s’il continua à voir rouler
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