La Fin de Fausta
à la faire démolir pierre à pierre, si c’était nécessaire à son salut ou au salut de ses compagnons. Ils emmenaient avec eux l’unique servante qui constituait toute la domesticité de la duchesse dans cette mystérieuse retraite où, sans aucun doute, elle s’était retirée momentanément, en vue de préparer les voies à une évasion de son Charles bien-aimé. Une autre heure plus tard, le père, la mère et la fille, suivis d’une escorte de six robustes gaillards armés jusqu’aux dents, chevauchaient sans trop de hâte sur la route d’Orléans.
Dans la maison hermétiquement close, qui paraissait abandonnée, Pardaillan, Valvert et Landry Coquenard, dont nul n’eût pu soupçonner la présence en ces lieux, demeuraient installés comme chez eux. Quand ils furent seuls et maîtres de la place, Pardaillan commanda :
– Landry, tu vas aller faire un tour à la cuisine. La duchesse m’a assuré qu’il y a ici des provisions en quantité suffisante pour deux ou trois jours et une cave assez convenablement garnie. Tu vas te mettre en quête de tout cela, et nous confectionner un repas sinon délicat, si tu ne sais pas, du moins confortable… Car je ne sais pas si vous êtes comme moi, comte, mais il me semble qu’il y a des jours et des jours que je ne me suis rien mis sous la dent.
– C’est tout à fait comme moi, confessa Valvert, j’éprouve l’irrésistible besoin de mordre dans un morceau de viande.
Et avec un grand sérieux :
– C’est à tel point que je dois me retenir à quatre pour ne pas mordre Landry qui est assez dodu, par ma foi.
– Ne faites pas cela, monsieur ! s’effraya Landry Coquenard. Vous n’avez pas idée de ce que j’ai la chair dure et coriace !
Pardaillan et Valvert éclatèrent de rire. Ce que voyant, Landry s’esclaffa plus fort qu’eux. Et reprenant la parole :
– Monsieur le chevalier, je vais avoir l’honneur de vous préparer un de ces repas substantiels et délicats comme vous n’en avez jamais mangé de meilleur en votre auberge du
Grand Passe-Partout !
Et il disparut avec une rapidité fantastique, sans qu’on pût savoir au juste s’il était poussé par un zèle outré ou par le désir, légitime en somme, de mettre hors de l’atteinte des dents de son maître sa précieuse chair qu’il s’était empressé de déclarer dure et coriace.
Pardaillan prit le bras de Valvert et l’entraîna en disant :
– On n’a jamais pu savoir. Nous serons peut-être attaqués ici, visitons notre nouvelle retraite et voyons un peu le parti que nous pourrons en tirer et de quels moyens de défense nous pourrons disposer en cas de besoin.
La visite, quoique rapide, n’en fut pas moins effectuée en toute conscience et avec cette sûreté de coup d’œil qui les caractérisait tous les deux.
– Descendons aux caves maintenant, dit Pardaillan, et voyons ce passage qui conduit à la rue de la Cossonnerie, dont nous a parlé le duc.
Ce passage souterrain fut vite repéré. Il aboutissait, en effet, à une maison qui avait son entrée rue de la Cossonnerie. Ils entrebâillèrent la porte d’entrée dans cette maison et jetèrent un coup d’œil rapide dans la rue. En s’en retournant, Pardaillan expliqua :
– Cette entrée est à deux pas de la rue du Marché-aux-Poirées et de la fameuse auberge de
La Truie qui file.
Il y a toujours là grande affluence. Nous passerons par là, et nul ne fera attention à nous.
Ils revinrent à la maison, dans cette pièce qui était comme le salon et où ils avaient pénétré par la fenêtre, l’épée au poing. Bien qu’il fît encore jour, elle était éclairée chichement par une seule cire : les volets de bois plein étaient hermétiquement clos, la fenêtre fermée, les rideaux tirés, et il y eût fait nuit noire sans cette chandelle allumée. Alors Valvert complimenta :
– J’admire, monsieur, l’adresse avec laquelle vous avez su forcer la main à Mgr le duc d’Angoulême et l’amener à renoncer à des prétentions auxquelles il paraissait tenir au-dessus de tout. Du coup, voilà votre lutte avec M me Fausta terminée. Et je vous en félicite de tout mon cœur.
– Oh ! vous vous hâtez un peu trop de me féliciter, répondit Pardaillan de son air railleur. Il est indéniable que le coup sera rude. Tout autre qu’elle ne s’en relèverait pas. Mais elle !… Peste, vous allez un peu trop vite. Quant à moi, j’espère qu’elle renoncera à la lutte. Je
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