La Fin de Fausta
que je vous retrouverais, mon bon père adoré !…
Elle riait et pleurait à la fois. Car, maintenant qu’elle avait gagné la partie, elle ne songeait plus à refouler ces larmes qu’elle avait eu l’orgueil de retenir jusque-là. Elle lui avait jeté les bras autour du cou. Elle rendait baiser pour baiser, caresse pour caresse. Ils étaient ivres, fous de joie tous les deux. Riant et pleurant en même temps, comme elle, il bégayait :
– Au diable la couronne !… Au diable toutes les couronnes de la terre !… Et quelle couronne vaudra jamais le doux collier que font les bras blancs de ma Giselle autour de mon cou ?…
Cependant, il continuait d’oublier la mère qui, décidément, ne tenait plus qu’une place minime dans son affection. Ce fut la fille qui s’en souvint la première.
– Et ma mère ? dit-elle en se dégageant doucement.
La duchesse était près d’eux, attendant patiemment que son tour vînt.
– Allons, avait dit Pardaillan, la bataille aura été rude. Mais l’enfant, ainsi que je le pensais, a fini par triompher. Vous avez là, Violetta, une brave et digne enfant, dont vous avez le droit d’être fière. Approchons-nous maintenant.
Et ils s’étaient approchés, en effet.
Sous le coup de l’émotion bienfaisante qui le bouleversait et le régénérait, le duc retrouva un instant cette passion radieuse, soleil éclatant qui avait illuminé leur ardente et héroïque jeunesse. Cette passion exclusive que la douce Violetta avait conservé intacte comme au premier jour. Et l’étreinte passionnée qu’en toute sincérité il donna à sa femme, les douces, les tendres paroles qu’il sut murmurer à son oreille lui donnèrent cette consolante illusion de croire que les beaux jours d’amour d’autrefois allaient luire de nouveau.
Puis, ce fut au tour de Pardaillan qui contemplait de son air moitié railleur, moitié attendri cette réconciliation qui était un peu son œuvre. Le duc sentait bien que sa femme et sa fille attendaient de lui un engagement en règle et, selon leur mot, « qu’il fît sa paix » avec lui. Il s’exécuta d’assez bonne grâce.
« Pardaillan, dit-il, je vous donne ma parole que je vais rompre avec la duchesse de Sorrientès. Je vous donne ma parole que je n’entreprendrai plus rien contre le petit roi Louis XIII, tant que vous serez vivant. »
Dans leur joie, Violetta et Giselle ne firent pas attention à ces paroles que nous avons soulignées.
Elles n’échappèrent pas à Pardaillan, toujours attentif, lui. Et il se dit, en fouillant le duc de son regard perçant :
« Ainsi, il trouve le moyen de glisser dans son engagement d’honneur une restriction qui réserve l’avenir !… Et cependant, je vois qu’il est sincère !… Décidément, il n’y a rien à faire : il ne guérira jamais de cette méchante maladie qui le rongera jusqu’à son dernier souffle. »
Il réfléchit une seconde. Et levant les épaules avec insouciance :
« Bah ! quand je serai mort, je serai dégagé de toutes mes promesses. Peu m’importe ce qu’il fera alors. L’essentiel est que, pour l’instant, voilà Fausta dans un cruel embarras. »
Et tout haut, voyant qu’on commençait à s’étonner de son silence.
– Duc, dit-il gravement, je prends acte de votre engagement et je le tiens pour valable, tel que vous venez de le formuler.
Les minutes d’épanchement qui suivirent furent de celles qui ne se racontent pas. Disons seulement que le duc ne parut pas un instant regretter ce renoncement qu’on avait eu tant de peine à lui arracher. Il va sans dire qu’Odet de Valvert fut présenté et accueilli avec tous les égards qu’on accordait, dans cette maison, à ceux que Pardaillan honorait de son estime. Pour ce qui est de Landry Coquenard, bien qu’il ne fût qu’un modeste serviteur, c’était aussi un compagnon de lutte et Pardaillan, avec son dédain absolu des préjugés, ne voulut pas le laisser à l’écart. Et il trouva, pour le désigner, des termes flatteurs qui lui allèrent droit au cœur. Si bien qu’à compter de ce moment le brave Landry n’eût pas hésité à piquer une tête au milieu d’un brasier ardent, sur un simple signe de M. le chevalier.
Quand il vit que les effusions étaient à peu près terminées, Pardaillan revint aux affaires sérieuses.
– Et maintenant, monseigneur, demanda-t-il, qu’allez-vous faire avec la duchesse de Sorrientès ?
– J’irai, demain, la voir à son
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