La Fin de Fausta
la seconde d’oubli fatal qui lui permettra de tomber sur nous, rapide et inexorable comme la foudre, et de nous broyer.
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Chapitre 5 L’ENVOYE EXTRAORDINAIRE DE S. M. LE ROI D’ESPAGNE
C e jour-là, Fausta devait présenter au roi et à la reine régente les lettres qui l’accréditaient en qualité d’envoyé extraordinaire du roi Philippe d’Espagne.
Pour la cour, c’était toujours une affaire importante que la réception d’un ambassadeur. Pour la ville, pour le populaire, c’était toujours un spectacle plus ou moins intéressant, selon l’importance et la richesse du cortège qui traversait les rues pour se rendre au Louvre.
Mais, aussi bien pour la ville que pour la cour, la réception de l’envoyé extraordinaire du roi d’Espagne avait pris les proportions d’un événement sensationnel des plus considérables, dont on s’entretenait partout, depuis plus de huit jours. Ce qui s’explique par plusieurs raisons.
D’abord, cet envoyé extraordinaire était une femme : cela ne s’était jamais vu et cela seul eût suffit à exciter la curiosité. Puis, cet envoyé était la duchesse de Sorrientès autour de laquelle une légende s’était déjà créée. Cette légende avait été habilement lancée et soigneusement entretenue par Fausta elle-même qui, ainsi que nous avons eu occasion de le faire entrevoir, avait « soigné sa publicité » (comme nous disons aujourd’hui) avec une adresse et un tact admirables. Mais cela, nul ne le soupçonnait.
Le fait certain, bien acquis, c’est qu’à la cour on ne parlait que de son incomparable beauté, de son charme ensorceleur, de sa vaste intelligence et de son immense, de son incalculable fortune. Et on s’y félicitait hautement de voir l’Espagne représentée par un ambassadeur qui affichait des sentiments d’amitié tels qu’on pouvait affirmer, sans crainte de se tromper, qu’il était plus Français, certes, qu’Espagnol.
A la ville, on célébrait son faste merveilleux, sa royale prodigalité, la touchante simplicité de ses manières envers les malheureux, sa bonté, remarquable chez une princesse de si haut rang, et surtout son inépuisable charité. Bref, d’un côté comme de l’autre, c’était un concert de louanges et de bénédictions que pas la plus petite note discordante ne venait troubler. Il va sans dire que, à l’occasion de cette réception extraordinaire, à la ville comme à la cour, on s’attendait à des merveilles comme on n’en avait jamais vu de pareilles. Et, chose rare, ni la cour ni la ville ne furent déçues dans leur attente.
Prodigieuse organisatrice de mises en scène fastueuses, Fausta sut offrir un spectacle qui dépassa en splendeurs tout ce que les imaginations les plus enfiévrées avaient pu imaginer.
Comme d’habitude, les habitants des rues par lesquelles devait passer le cortège avaient reçu l’ordre de nettoyer et parer ces rues, comme pour une entrée royale. C’était le revers de la médaille : les Parisiens étaient grands amateurs de ces spectacles pompeux qui se déroulaient à travers leurs rues, mais il leur fallait en faire les frais. Ce qui n’allait pas toujours sans quelques murmures. Fausta ne voulait pas que le populaire murmurât sur son passage. Le prévôt des marchands, Robert Miron, seigneur du Tremblay, avait, selon l’usage et comme c’était son devoir, donné ses ordres à ce sujet. Les émissaires de Fausta passèrent derrière lui. Ils informèrent les habitants, dont quelques-uns déjà montraient des mines plutôt renfrognées, qu’ils pouvaient faire les choses grandement, sans s’inquiéter de la dépense que Son Altesse prenait entièrement à sa charge : on n’aurait qu’à présenter les notes à l’hôtel de Sorrientès où elles seraient acquittées rubis sur l’ongle et sans marchander. De cette assurance donnée, sur laquelle on savait pouvoir compter, il résulta que les rues furent parées magnifiquement, que c’était vraiment merveille.
Par ces rues, parées mieux encore que pour une procession solennelle, les Parisiens, accourus en foule, virent se dérouler la pompe d’un cortège vraiment royal.
D’abord, le grand maître des cérémonies : Guillaume Pot, seigneur de Rodes, monté sur un cheval magnifiquement caparaçonné, son bâton de commandement à la main. Puis, les archers, commandés par le grand prévôt : Louis Séguier, chevalier des ordres du roi. Puis les hérauts, les trompettes, les clairons,
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