La Fin de Fausta
du Louvre, ce dont je ne suis pas très sûr, nous allons très certainement trouver sur notre chemin quelque bonne embuscade, comme sait en organiser le Concini, et ce sera miracle si nous nous en tirons. Tenons-nous bien, et ouvrons l’œil, mon jeune ami. Pour ma part, je ne donnerais pas une maille de nos deux peaux réunies.
– Nous verrons bien, répondit Valvert en assujettissant le ceinturon d’un geste instinctif.
Comme on le voit, Valvert, qui, au reste, ne paraissait pas autrement ému, ne doutait pas un instant de ce que lui disait Pardaillan. Il avait grandement raison d’ailleurs. En ce moment même, Concini, écumant de rage tout autant que Rospignac qui se tenait à son côté, les attendait au coin de la rue Saint-Honoré, à la tête de ses quarante et quelques assassins qui formaient un groupe formidable, terriblement inquiétant, dont les passants s’écartaient avec terreur. Et comme ils ne bougeaient pas d’une semelle, comme avec force jurons, blasphèmes et injures, ils criaient très haut leur intention, sans nommer personne toutefois, il en résulta que la rue, qu’ils encombraient d’ailleurs, se vida comme par enchantement. Et plus d’un boutiquier prudent ferma précipitamment, mit les volets, cadenassa sa porte, se verrouilla chez lui. Ce pendant que Stocco et ses vingt chenapans aux gueules patibulaires, plus effrayants encore que les ordinaires de Concini, qui, eux du moins, gardaient encore des allures de gentilshommes, produisaient la même impression de terreur sur le quai.
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Chapitre 11 FLORENCE
Q uelques secondes après la sortie de Concini, Marie de Médicis qui paraissait se contenir difficilement, se leva, et d’une voix agitée, dit à Fausta :
– Je me retire dans mes appartements, princesse. L’indignation m’étouffe, je suis à bout de forces, et je sens que si je demeurais un instant de plus, j’éclaterais et ferais un esclandre terrible. Je préfère vider les lieux.
– La reine me permettra-t-elle d’aller lui faire ma révérence chez elle ? demanda Fausta de son air cérémonieux.
– Certainement,
cara mia,
autorisa Marie de Médicis, j’espère bien que vous ne quitterez pas la maison sans venir vous entretenir un instant avec moi. Nous avons tant de choses à nous dire.
– Dès que Sa Majesté m’aura donné mon congé, je passerai chez vous, madame, promit Fausta.
Et avec un sourire :
– Visite intéressée, je vous en avertis d’avance, madame. J’ai une faveur à solliciter de Votre Majesté.
– Je vous répète que je n’ai rien à vous refuser, fit Marie de Médicis. Et, se reprenant :
– A condition toutefois que ce que vous me demanderez soit en mon pouvoir. Car, à présent que monsieur mon fils se mêle d’avoir des volontés à lui et de sacrifier ses plus dévoués, ses plus éprouvés serviteurs à je ne sais quels aventuriers inconnus de tous, je ne sais plus jusqu’où peut aller encore mon autorité, ni seulement si j’ai encore une autorité.
– Vous êtes toujours régente, madame. Par conséquent, vous détenez toujours le pouvoir et le détiendrez jusqu’à l’an prochain, époque où le roi atteindra sa majorité. Et même alors, le pouvoir vous restera : si, selon les lois humaines, le roi sera proclamé majeur, selon les lois de la nature, il sera encore un enfant que vous pourrez diriger à votre gré. Vous oubliez trop facilement ces choses qui sont essentielles pour vous.
– C’est vrai ! Et voici que déjà vous me remettez du baume dans le cœur.
– Pour en revenir à la grâce que je veux solliciter de vous, elle dépend uniquement de vous, et le roi ni personne au monde ne pourra vous empêcher de me l’accorder, si tel est votre bon plaisir.
– Alors, elle est accordée d’avance. A tout à l’heure, princesse. Et, elle sortit, suivie de Léonora à qui elle avait fait signe.
Tant qu’elles furent dans des salles où se tenaient des gentilshommes de service, des gardes, des huissiers, des laquais, la reine garda son allure majestueuse et ce que nous pourrions appeler son « masque de parade ». Derrière elle, Léonora, qui paraissait réfléchir profondément, et derrière Léonora, à distance respectueuse, la troupe froufroutante et pépiante des gracieuses demoiselles d’honneur – qui avaient suivi, naturellement – et parmi lesquelles nous citerons pour mémoire : Antoinette de Rochebaron, Victoire de Cardaillac, Marie de Lavery, Sabine de Coligny,
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