La Fin de Fausta
méritez. Valvert s’approcha, se courba respectueusement et se redressant, le visage étincelant de loyauté, en toute sincérité, prononça :
– Sire, je reconnais humblement avoir manqué au respect que je dois à mon roi. Je supplie seulement Votre Majesté de croire que ce manquement n’a pas été voulu de ma part. J’ai agi, et je vous en demande bien pardon, sous le coup d’un emportement furieux qui m’a, un instant, privé de ma raison. N’importe, je sais que je suis coupable. Je le sais si bien, qu’au lieu de me retirer, comme j’aurais pu le faire, je viens librement me livrer moi-même à votre rigueur, reconnaissant d’avance que, quel que soit le châtiment qu’il plaira au roi de m’infliger, je l’ai mérité.
Ce petit plaidoyer, dont la sincérité était manifeste, produisit la meilleure impression sur l’assistance. Le roi se départit un peu de sa sévérité de commande :
– A la bonne heure, dit-il, vous reconnaissez vos torts. C’est d’un loyal gentilhomme. Vous regrettez donc ce que vous avez fait ?
– Pardonnez-moi, Sire, répondit simplement Valvert, je ne regrette pas ce que j’ai fait, je regrette seulement de m’être oublié jusqu’à le faire devant le roi.
Louis XIII échangea un rapide coup d’œil avec Pardaillan. Puis, son regard alla chercher Concini qui était revenu près de Marie de Médicis, laquelle pinçait les lèvres et montrait un visage réprobateur, qui était un blâme muet à son adresse, et l’ombre d’un sourire passa sur ses lèvres : évidemment la réponse, qu’il avait peut-être intentionnellement provoquée, ne lui déplaisait pas. Il adoucit encore son attitude.
– Voilà de la franchise, au moins, dit-il en souriant à demi.
Et, redevenant sérieux :
– Je sais bien qu’il n’est jamais entré dans votre pensée de manquer au respect que tout bon sujet doit à son roi. N’importe, je devrais vous punir. Mais le souvenir du service signalé que vous m’avez rendu, il n’y a pas bien longtemps, vous couvre encore. Je me souviens que je vous dois la vie, et, pour cette fois-ci, je veux bien oublier. Qu’il n’en soit plus parlé… Mais n’y revenez pas.
Et, coupant court, il se tourna vers Pardaillan, qu’il congédia enfin. !
– Allez, chevalier, et comptez que j’agirai de tout point comme il a été entendu entre nous. N’oubliez pas qu’à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, vous n’aurez qu’à dire votre nom pour être admis sur-le-champ près de ma personne.
Ces paroles, il les prononça à voix assez haute pour que tout le monde les entendît. Il apparut à tous que cette extraordinaire et incompréhensible faveur, dont il honorait le chevalier de Pardaillan, persistait plus solide et plus forte que jamais.
Pardaillan n’était pas l’homme des protestations. Il s’inclina, serra la main que lui tendait le roi, et, se redressant, promit simplement :
– Comptez sur moi, sire.
Louis XIII, dont l’esprit était en éveil depuis son entretien particulier avec lui, remarqua qu’il avait élevé la voix, comme s’il voulait que ses paroles portassent plus loin que celui à qui il les adressait. Il remarqua que, contre son habitude, ce n’était pas celui à qui il parlait qu’il regardait. Il remarqua enfin qu’il y avait comme une flamme de défi dans ce regard, qui ne lui était pas adressé. Il suivit la direction de ce regard.
Et il vit qu’il se fixait sur madame l’envoyée extraordinaire du roi d’Espagne : cette duchesse de Sorrientès qui avait produit une si vive impression sur lui, qui lui en avait imposé par ses grands airs de souveraine et à qui il avait fait un si gracieux accueil. Il vit que Fausta, redressée dans une attitude de défi, répondait à ce regard par un regard chargé de menaces mortelles.
Il vit cela, et un nuage obscurcit son front pur d’enfant, ternit l’éclat de son regard. Il demeura plongé dans une sombre rêverie, songeant :
« Quelle besogne terrible autant que ténébreuse cette femme vient-elle accomplir chez moi ?… Cette femme ? mais c’est l’envoyée de l’ennemi héréditaire, de l’Espagnol maudit qui a tué mon père !… Et j’ai été assez niais pour ne pas comprendre, pour ne pas me défier !… L’Espagnol entre en jeu ? Alors le crime va rôder autour de moi, les poignards vont s’aiguiser dans l’ombre, le poison va se préparer ! C’est ma mort qu’on veut… ma mort et ma
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