La Fin de Pardaillan
ni où il aboutirait. Néanmoins, il marchait avec assurance de ce pas silencieux qui n’avait rien perdu de sa souplesse et de sa légèreté d’autrefois. Il comptait sur ce flair particulier qui l’avait servi dans tant de circonstances critiques pour découvrir la pièce où Fausta allait recevoir le duc d’Angoulême, Il traversa ainsi plusieurs salles, ouvrant sans hésiter les portes qu’il trouvait sur son chemin et les refermant sans bruit après avoir constaté qu’il n’avait pas encore trouvé ce qu’il cherchait.
Jusque-là il n’avait pas rencontré âme qui vive. C’était à croire qu’il avait fait fausse route et qu’il s’était égaré dans une partie de l’hôtel momentanément inhabitée. Il persistait cependant, guidé par cette intuition qui ne l’avait jamais trompé. Il venait d’arriver dans un petit cabinet et se dirigeait vers une porte qu’il se disposait à ouvrir.
Comme il atteignait cette porte, elle s’ouvrit d’elle-même. Un homme parut.
Pardaillan ne distingua pas les traits du nouveau venu. Mais il vit fort bien qu’un homme se dressait sur le seuil de cette porte et lui barrait le passage. Il leva aussitôt les bras pour le happer, le saisir à la gorge, l’empêcher de crier, d’ameuter tout l’hôtel. Il n’acheva pas son geste. L’homme, d’une voix prudemment assourdie, venait de s’écrier :
– Monsieur de Pardaillan !…
– Valvert ! répliqua Pardaillan, stupéfait.
Odet de Valvert – car c’était bien lui – entra, et, comme s’il ne pouvait en croire ses yeux, répéta :
– Monsieur de Pardaillan !
– Que fais-tu ici ? gronda Pardaillan soudain hérissé.
Ce tutoiement inusité, cette extraordinaire émotion chez un homme qu’il avait toujours vu si souverainement maître de lui firent comprendre au jeune homme que quelque chose de très grave arrivait à son vieil ami. Il retrouva aussitôt son sang-froid que la surprise lui avait fait perdre un instant, ce sang-froid qui paraissait avoir abandonné Pardaillan, lequel, pourtant, ne perdait pas facilement la tête.
– Mais, monsieur, fit-il avec douceur, je fais mon service.
– Ton service ?… Quel service ?
– Mon service de gentilhomme auprès de M me la duchesse de Sorrientès.
– La duchesse de Sorrientès !… Tu es au service de la duchesse de Sorrientès ?
– Oui, monsieur.
– Depuis quand ?… Comment se fait-il que tu ne m’en as rien dit ?
Chose extraordinaire et qui commençait à inquiéter sérieusement Valvert, loin de se calmer, l’agitation de Pardaillan ne faisait que grandir. Aussi, le jeune homme se dit-il que le meilleur moyen d’en sortir était de donner des réponses nettes, précises, aux questions du chevalier. Après quoi, il pourrait questionner à son tour.
– Je suis à son service depuis dix jours, dit-il. Avant que d’accepter les offres magnifiques qu’elle me fait, j’ai voulu vous consulter comme c’était mon devoir, monsieur. Malheureusement, vous veniez de partir pour Saugis. Voilà pourquoi je suis ici sans vous avoir rien dit. Vous voyez qu’il n’y a pas de ma faute. Je suis retourné deux fois à votre logis pour vous mettre au courant. J’y suis retourné pas plus tard que ce matin encore pour une chose qui vous intéresse personnellement, vous et mon cousin Jehan. Dame Nicolle était toujours sans nouvelles de vous et n’a pu me dire quand vous seriez de retour.
Ces explications eurent le don de satisfaire Pardaillan. Il respira, comme soulagé d’un grand poids et il retrouva instantanément tout son sang-froid.
– Bon, dit-il, en somme, c’est de ma faute ce qui t’arrive.
– Que m’arrive-t-il donc ? sourit Valvert.
– Je vais te le dire, et du coup, tu comprendras l’émotion qui m’a saisi en te trouvant ici, au service de la duchesse de Sorrientès.
Pardaillan parlait maintenant avec une gravité qui impressionna fortement Valvert. De même que la façon bizarre dont le chevalier avait insisté sur les mots que nous avons soulignés lui fit dresser une oreille des plus attentives.
Pardaillan s’approcha de lui, lui prit la main et la serrant fortement, penché sur lui, baissant la voix, en le fouillant de son regard étincelant :
– Sais-tu quel est le vrai nom de cette duchesse de Sorrientès ?
Bouleversé par le ton sur lequel Pardaillan venait de parler, Valvert frissonna :
– C’est donc d’elle qu’il s’agit ?… Ah ! mon instinct ne
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