La Fin de Pardaillan
même. Car enfin, d’après tout ce que je sais de M me Fausta, il est certain qu’en me prenant à son service à des conditions fort au-dessus de mon mérite, elle avait une arrière-pensée à mon sujet. Cette arrière-pensée, toujours d’après ce que je sais d’elle, ne doit pas être très honorable pour moi, et le conflit n’eût pas manqué d’éclater entre elle et moi, le jour où elle se serait démasquée. M. de Pardaillan ne m’a donc pas engagé dans cette lutte. J’y suis bien pour mon propre compte, qu’il le veuille ou non. Et comme il n’est pas dans mes habitudes de fuir le combat, j’irai jusqu’au bout, quoi qu’il en doive résulter pour moi. Et pour commencer, maintenant que je sais à quel formidable ennemi je vais avoir à faire, il me paraît de très bonne guerre de profiter de l’occasion qui se présente pour pénétrer les desseins secrets de cet ennemi. Pour cela, je n’ai qu’à faire comme M. de Pardaillan : écouter ce que M me Fausta va dire à ce gentilhomme, qui sent son grand seigneur d’une lieue, qu’elle a ramené avec elle. »
Comme Pardaillan, Valvert avait une rapidité de décision remarquable. Et comme chez lui – toujours comme chez Pardaillan – l’exécution suivait de très près la décision, il se trouva que lorsqu’il eut achevé les réflexions que nous venons de rapporter, il se tenait déjà aux écoutes dans cette même pièce où nous l’avons vu à la tête d’une douzaine de gentilshommes.
Odet de Valvert entendit donc la première partie de l’entretien de Fausta avec d’Angoulême. Il l’entendit jusqu’au moment où son nom fut prononcé comme celui du nouveau Ravaillac qui se chargeait de faire subir au jeune roi Louis XIII le sort de son père, Henri IV.
Il n’en entendit pas davantage, parce que d’Albaran qui cherchait Pardaillan entra à ce moment dans la pièce où il se tenait aux écoutes. Il s’en fallut même de bien peu qu’il ne se fît prendre sur le fait. Il eut tout juste le temps de s’écarter de deux pas de la porte. D’Albaran n’avait aucune raison de se méfier de lui. Il crut qu’il était là sur l’ordre de leur maîtresse et, en toute confiance, il lui fit part de l’événement qui se produisait et des dispositions qu’il comptait prendre pour s’emparer de l’intrus.
Valvert, comprenant de quelle utilité il pouvait être à Pardaillan, offrit spontanément de prendre le commandement de la troupe qui devait être apostée en cette pièce. D’Albaran, qui ne pouvait être partout à la fois, s’empressa d’accepter. Ainsi se trouve expliquée la présence de Valvert à la tête des douze gentilhommes chargés d’expédier le chevalier.
Lorsque Pardaillan était apparu avec Fausta et Charles d’Angoulême, Valvert et ses hommes savaient déjà qu’ils n’auraient pas à intervenir, tout au moins pour l’instant. Ils l’avaient appris de la manière la plus simple et la plus naturelle : on se souvient que, dès que Fausta lui avait donné l’ordre de les éclairer jusqu’au cabinet où ils allaient se rendre, d’Albaran s’était empressé d’entrouvrir une porte. C’était la porte de l’antichambre où se tenait Valvert. Par cette porte entrouverte, lui et ses hommes avaient entendu les dernières paroles échangées entre Fausta et Pardaillan.
Valvert avait donc vu sans inquiétude aucune Pardaillan s’éloigner avec Fausta. Il connaissait ce cabinet de la tour ronde pour avoir eu l’occasion d’y entrer plusieurs fois. Il le connaissait, mais il était loin de soupçonner que cette pièce était machinée de telle sorte qu’il suffisait d’un geste pour se débarrasser à tout jamais de l’imprudent qui y avait été attiré. L’idée ne lui était pas venue que Fausta pouvait méditer un coup de traîtrise. On a vu qu’elle n’était pas venue non plus à Pardaillan qui, lui, était pourtant payé pour connaître Fausta.
Valvert était donc à peu près tranquille sur le sort de Pardaillan. La bataille étant momentanément écartée, il se disait, non sans raison, que tout dépendait des explications qui allaient être échangées entre les deux ennemis. De deux choses l’une : ou ils se mettraient d’accord, et alors Pardaillan pourrait se retirer librement, ou ils ne parviendraient pas à s’entendre, et alors, comme c’était lui qui était chargé d’expédier la besogne, il faudrait bien qu’on vînt le chercher. Il n’avait donc
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