La Fin de Pardaillan
qu’à attendre sans inquiétude le résultat de cet entretien. C’est ce qu’il fit.
D’Albaran, investi de toute la confiance de sa maîtresse, connaissait à merveille les mystères du cabinet de la tour du coin. De même, il connaissait tous les mystères de la redoutable demeure. Dès qu’il avait entendu l’ordre de Fausta, il avait été fixé : Pardaillan était condamné. Rien ne pouvait le sauver… à moins qu’il ne finît par se mettre d’accord avec celle qui, sans qu’il s’en doutât, tenait sa vie dans sa main. Ceci n’était guère probable.
Il avait donc agi en conséquence. Il était revenu dans l’antichambre et avait dit à ceux qui s’y trouvaient qu’ils pouvaient regagner leurs appartements, qu’on n’aurait plus besoin d’eux pour cette nuit. Les gentilshommes, Espagnols pour la plupart, dressés, comme d’Albaran, à l’obéissance passive, s’étaient retirés aussitôt sans se permettre de demander des explications qu’on ne leur donnait pas.
La nouvelle avait apporté un véritable soulagement à Valvert. Malgré tout, il ne s’était pas contenté de l’ordre bref du colosse. Et comme il pouvait, lui, se permettre de demander de plus amples explications, il ne s’était pas gêné pour le faire.
Nous avons dit que d’Albaran n’avait aucune raison de se méfier de Valvert. Cependant, il savait très bien qu’il y avait des choses qu’on cachait soigneusement au jeune homme. Et il n’était pas homme à trahir les secrets de ses maîtres. Il se contenta de répondre :
– Son Altesse m’a dit qu’elle avait changé d’idée au sujet de ce gentilhomme. Je n’en sais pas plus.
Et il s’était éclipsé.
Valvert avait fait comme les autres ; il était rentré dans son appartement. Une fois qu’il y fut, il se souvint à propos que cet appartement était situé précisément sur le chemin du fameux cabinet rond. Pardaillan, pour gagner la sortie de l’hôtel, était forcé de passer devant la porte de Valvert. Si tranquille qu’il fût, le jeune homme se dit qu’il le serait davantage encore quand il aurait vu de ses propres yeux Pardaillan passer devant sa porte. Cette idée fit que, au lieu de se coucher, il vint se mettre aux aguets derrière la porte.
Une heure s’écoula dans cette fastidieuse faction qu’il s’imposait sans trop savoir pourquoi. Dans le couloir qui passait devant sa porte, il ne perçut aucun bruit. Il se dit :
« Malepeste, il paraît qu’ils en ont long à se raconter !… »
Une autre heure passa, et rien de nouveau ne se produisit. Cette fois, il commença à s’agiter. Il trouvait que l’entretien se prolongeait d’une manière anormale. Il sentit une inquiétude vague s’insinuer en lui. Il flairait d’instinct quelque chose de louche. Il lui semblait que, raisonnablement, cet entretien devait être terminé depuis longtemps. Et cependant il était sûr que personne n’était passé devant sa porte. Alors, pour la première fois, cette idée très simple lui vint :
« Pardieu, il doit y avoir un chemin secret, plus court, probablement, par où on aura fait sortir M. de Pardaillan ! »
Ayant trouvé cette explication rassurante, il voulut en avoir le cœur net. Il ouvrit sans bruit sa porte, et se glissa dans le couloir. Dans l’obscurité, étouffant le bruit de ses pas, il alla droit au cabinet. Il s’arrêta devant la porte de la pièce qui précédait ce cabinet et il hésita :
« M. d’Albaran doit se tenir de garde derrière cette porte. Que lui dirai-je pour expliquer ma venue ici, à pareille heure ? »
Cette hésitation ne dura pas longtemps. Il ouvrit résolument la porte et entra. La porte du cabinet rond était entrouverte. Les lumières brûlaient encore dans ce cabinet et leur reflet éclairait suffisamment l’espèce d’antichambre dans laquelle il venait de pénétrer. D’abord Valvert constata avec satisfaction que l’antichambre était déserte. Ensuite, il découvrit du premier coup d’œil une étroite petite porte ouverte dont il n’avait jamais soupçonné l’existence. Il fut fixé.
« J’en étais sûr ! se dit-il. M. de Pardaillan est sorti par là. »
Il se sentait rassuré maintenant. Il souriait. Machinalement ses yeux se portèrent sur ce rai lumineux qui jaillissait de l’entrebâillement de la porte. Il tendit l’oreille de ce côté. Aucun bruit ne sortait du cabinet qui, assurément, était désert.
Les craintes vagues de Valvert
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