La Fin de Pardaillan
s’étaient dissipées. Il était sûr, absolument sûr, que Pardaillan était sorti par cette porte secrète qu’il venait de découvrir. Il devait même être loin maintenant. Il aurait pu se retirer tout à fait rassuré. C’était bien son intention en effet. Et cependant, obéissant à une impulsion irraisonnée, il alla à cette porte entrebâillée et jeta un coup d’œil à l’intérieur de la pièce.
Et il demeura cloué sur place, livide, sentant ses cheveux se dresser sur sa tête. Le cabinet rond était désert cependant. Mais vers le milieu du plancher béait un trou rond, de la dimension à peu près d’un puits ordinaire. C’était ce trou rond que Valvert considérait avec des yeux hagards. D’un bond, il fut sur le bord, se pencha, écouta, regarda.
Dans le trou
,
c’était le noir opaque. Impossible de voir la profondeur que pouvait avoir ce puits ; peut-être y avait-il là un abîme sans fond, peut-être n’y avait-il pas plus de quelques toises, on ne pouvait pas savoir. C’était le noir à couper au couteau et le silence absolu, angoissant. Valvert comprit tout, en un temps qui n’eut pas la durée d’un éclair. Il rugit dans son esprit :
« M. de Pardaillan a été précipité dans ce trou… C’est le duc d’Angoulême qui est sorti par la porte secrète… Et d’Albaran, qui a laissé la porte ouverte de ce maudit cabinet éclairé, va revenir sûrement, dans un instant, remettre toutes choses en place… Si M. de Pardaillan n’est pas encore mort, tout n’est pas dit… je suis là, moi… S’ils l’ont tué, malheur !… »
Un sanglot rauque, déchirant, s’étrangla dans sa gorge. Un instant la douleur le terrassa : une douleur poignante, comme il ne se souvenait pas d’en avoir jamais éprouvée de pareille. Cette sorte d’anéantissement fut très bref. Tout de suite la douleur se changea en un accès de colère qui se déchaîna en lui avec une violence inouïe. Et il gronda sourdement :
– Ah ! les scélérats, ils me le payeront !…
D’un geste terrible, il assujettit le ceinturon. Et convulsé, hérissé, effrayant, d’un pas rude, sans la moindre précaution, il marcha droit à la porte secrète. Que voulait-il ? Savoir si Pardaillan était mort ou vivant. S’il était vivant, le sauver à tout prix. S’il était mort, le venger. Voilà ce qu’il voulait. Et cela, il le savait très bien. Comment s’y prendrait-il pour atteindre son but ? Cela, il n’en savait absolument rien.
Il allait au-devant de d’Albaran sans réfléchir, uniquement parce qu’il sentait que d’Albaran savait, lui, et qu’il fallait le faire parler. Puisqu’il pensait que d’Albaran allait venir remettre tout en place – et il ne se trompait pas d’ailleurs –, il aurait aussi bien pu l’attendre où il était. Cela eût infiniment mieux valu pour toutes sortes de raisons. Mais il ne raisonnait pas en ce moment. Il éprouvait l’irrésistible besoin d’agir, et il allait de l’avant.
Dès qu’il se fut mis en mouvement, le sang-froid lui revint. Alors il put raisonner. Il avait descendu plusieurs marches d’un escalier très étroit, construit dans l’épaisseur de la maçonnerie. Il les avait descendues dans l’obscurité, sans songer à étouffer le bruit de ses pas. Dès qu’il se mit à raisonner, il s’arrêta. Il tendit l’oreille, se pencha dans le noir. Il demeura ainsi immobile, un assez long moment, regardant, écoutant, réfléchissant.
Le résultat de ses réflexions fut qu’il esquissa un mouvement de retraite. A ce moment, il aperçut au-dessous de lui un point lumineux qui montait : évidemment, c’était d’Albaran qui remontait. Dans l’ombre, il eut un sourire menaçant, et tout de suite, le plan d’action se dressa dans son esprit :
« Je remonte là-haut, se dit-il, je l’attends derrière la porte, je l’étourdis d’un coup de poing… et il faudra bien, ensuite, qu’il parle, qu’il me conduise au fond de ce puits où ils ont précipité M. de Pardaillan. »
A reculons, il se mit à remonter, suivant des yeux la faible lueur qui, au-dessous de lui, s’élevait lentement. Et tout à coup, la lueur s’arrêta. Un murmure de chuchotements parvint distinctement jusqu’à lui. Il étouffa un cri de joie :
« C’est la voix de M me Fausta !… Ah ! ventrebleu, à nous deux, Fausta d’enfer !… »
Il redescendit avec précaution les marches qu’il venait de remonter. Au fur et à
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