La Fin de Pardaillan
d’Angoulême… Je sais que pour le détrousser vous êtes résolue à aller jusqu’au meurtre… Je sais que vous vous croyez sûre d’armer mon poing du couteau de Ravaillac ramassé dans le sang de sa royale victime. Voilà ce que je sais… Et que vous ayez pu supposer que vous trouveriez dans un Valvert l’étoffe d’un misérable régicide et d’un assassin, c’est là une de ces sanglantes injures dont vous auriez eu à me rendre un compte terrible si vous étiez un homme… Mais vous êtes une femme… Je passe.
Il est certain que, dès cet instant, Valvert était condamné dans l’esprit de Fausta : il ne devait pas sortir vivant de ce coupe-gorge fastueux qu’était son hôtel. Si elle ne donna pas séance tenante l’ordre de mort que, sous son impassibilité apparente, d’Albaran s’étonnait de n’avoir pas encore reçu, c’est qu’elle voulait savoir au juste ce que le jeune homme avait surpris de ses secrets mortels.
– Ensuite ? dit-elle sans sourciller.
– Ensuite, je dois ajouter que c’est moi, madame, qui ai conduit M. de Pardaillan dans ce cabinet où il a été découvert par le señor d’Albaran, mais où il a pu entendre jusqu’au bout, lui, ce très intéressant entretien dont je n’ai surpris que le commencement, moi.
Cette fois, l’aveu de ce qu’elle considérait comme une trahison, fit sortir Fausta de son impassibilité.
– Vous avez fait cela ! s’écria-t-elle dans un grondement terrible de fauve irrité.
– Je l’ai fait.
– Pourquoi ?
– Parce que M. de Pardaillan me l’a demandé… Et que je n’ai rien à refuser à M. de Pardaillan.
– Pardaillan est donc de vos amis ? rugit Fausta, exaspérée. Valvert prit un temps, et très simplement, avec un sourire moqueur :
– Monsieur de Pardaillan !… Depuis cinq ou six ans que je le connais, il est, autant dire, mon père… C’est lui qui a fait de moi un homme… J’ai pour lui autant de respect et d’affection que j’en pourrais avoir pour M. mon père que j’ai perdu étant enfant.
Fausta leva vers le ciel deux yeux chargés d’une muette imprécation. Elle s’attendait à tout, hormis à ce coup-là. Et Valvert qui devina sa pensée, railla froidement :
– Je comprends votre déception. C’est vraiment jouer de malheur que d’aller, pour l’exécution de sombres et tortueuses machinations, choisir précisément celui qui a reçu les enseignements de M. de Pardaillan qui est l’honneur incarné. Que ne vous êtes-vous mieux renseignée, madame ?…
Déjà Fausta s’était ressaisie.
– Est-ce tout ce que vous avez à me dire ? fit-elle avec un sourire livide.
– Non pas, madame, se récria vivement Valvert. J’ai commencé par vous dire que M. de Pardaillan avait disparu. Je viens de vous dire que j’ai pour lui une affection filiale. C’est vous dire que je veux vous parler de lui. Cependant, il est une chose qui me démange terriblement le bout de la langue, que je ne vous eusse pas dite parce que vous êtes femme, et que je vous demande la permission de vous dire avant, malgré tout, parce que, si elle vous offense, votre molosse d’Espagne, qui nous écoute, pourra la relever en votre lieu et place.
Certaine qu’il se passerait de la permission qu’il ne demandait que pour la forme, Fausta autorisa d’un air souverainement dédaigneux :
– Dites.
– Voici, madame : j’admire l’imprudence avec laquelle la duchesse de Sorrientès, qui prétend qu’elle ne s’abaisse jamais à mentir, m’a menti, à moi, le jour où, pour m’attacher à son service, elle m’a assuré, je répète ses propres paroles : « qu’elle n’était ici que pour travailler de toutes ses forces, en faveur du roi ». Peste assassiner les gens, cela s’appelle donc pour elle travailler en leur faveur !
– Le vrai roi, pour la duchesse de Sorrientès, c’est le roi Charles X, expliqua Fausta avec un calme terrifiant. Vous ne pouvez pas nier qu’elle ne travaille pour lui de toutes ses forces. Donc elle n’a pas menti.
– Subtilité bien digne de la princesse Fausta qui rêva jadis de se faire proclamer papesse, cingla Valvert.
Fausta ne s’étonna pas d’entendre son nom et cette allusion à son formidable passé : puisque Valvert connaissait intimement Pardaillan depuis son adolescence, il était clair qu’il devait être renseigné depuis longtemps sur son compte à elle. Et puisqu’il avait pu s’entretenir la veille
Weitere Kostenlose Bücher