La Fin de Pardaillan
ont essayé de se dérober à l’étreinte de l’illustre sacripant qui les tenait. Moi qui le connais bien, je suis un sacripant de ne pas avoir pensé à cela plus tôt.
Il ne se trompait pas.
Avec une grimace mélancolique, il ajouta :
– Nous voilà bien lotis, monsieur, et le diable lui-même, je crois, ne nous tirerait pas de ce maudit guêpier où nous nous sommes fourvoyés.
Peut-être ne se trompait-il pas davantage. Quoi qu’il en soit, Odet de Valvert ne perdit pas encore confiance.
– Nous verrons bien, dit-il. En attendant, cherchons s’il n’y a pas moyen de sortir de ce guêpier, comme tu dis si bien.
– Cherchons, monsieur, consentit Landry Coquenard en hochant la tête d’un air incrédule.
Ils laissèrent la fenêtre grande ouverte, le peu d’air que les volets clos laissaient passer purifiait toujours un peu une atmosphère qui devenait par trop lourde. Et ils se remirent à chercher avec une patience que rien ne semblait devoir rebuter.
Ces recherches, qui demeurèrent infructueuses comme les précédentes, eurent du moins un résultat assez appréciable pour eux : celui de leur faire passer le temps qui, sans cela, leur eût paru mortellement long. Cependant, malgré tout, ils sentaient qu’il y avait longtemps, des heures peut-être, qu’ils étaient enfermés dans cette pièce où ils furetaient sans trêve ni repos.
Ils ne trouvaient pas moyen de s’évader, le temps passait et personne ne paraissait. De temps en temps, Valvert prêtait une oreille attentive. Pas le moindre bruit ne parvenait jusqu’à lui. Et il avait l’ouïe très fine. Et c’était cela : cette solitude angoissante, ce silence lourd, menaçant, qui pesaient le plus sur lui et commençaient à l’énerver plus qu’il ne convenait.
Pendant que Landry Coquenard continuait à tâter, du bout des doigts, toutes les sculptures et jusqu’aux moindres aspérités des boiseries, dans l’espoir, toujours tenace, de découvrir le mystérieux bouton qui actionnait la porte, lui, il s’était mis à marcher d’un pas furieux.
– Mais enfin, s’écria-t-il, exaspéré, ce misérable Concini n’a pas, j’imagine, l’intention de nous oublier ici et de nous y laisser mourir de faim et de soif !
– Que non pas, rassura Landry Coquenard sans interrompre ses recherches.
– Alors que veut-il faire de nous ?
– Comment, ce qu’il veut faire ? Il veut nous prendre vivants, tiens !
– Pour quoi faire ?
– Pour nous occire proprement… à son idée… c’est-à-dire après nous avoir quelque peu tourmentés comme il sait le faire. Et il s’y entend, vous savez, monsieur. Il pourrait donner des leçons au tourmenteur juré le plus expert.
– La peur te fait radoter, mon pauvre Landry, reprocha Valvert. Et naïvement :
– Pourquoi nous tuer, pourquoi nous torturer ? Puisqu’il est le père… il ne peut plus être jaloux…
– Possible, monsieur, mais vous connaissez le secret de la naissance de sa fille… et c’est mortel cela, voyez-vous.
– Allons donc, il sait bien que je ne le trahirai pas, par amour pour sa fille !
– C’est encore possible. Mais il n’en reste pas moins acquis que vous l’avez insulté, menacé, frappé. Et cela, il ne le pardonnera jamais. Je le connais, allez : il est rancunier en diable. Non, monsieur, non, vous êtes condamné… Comme moi, du reste.
– Diable ! ce n’est pas gai, cela !
– Je ne dis pas que ce soit gai, mais c’est…
Brusquement, Landry Coquenard s’interrompit et, dans un hurlement de joie :
– Ah ! monsieur !…
– Quoi ? sursauta Valvert.
– La… po… or…, te ! bégaya Landry à moitié fou de joie. Ouverte !… elle est ouverte, monsieur !…
– C’est ma foi vrai ! s’émerveilla Valvert.
C’était vrai, en effet. La porte était non pas ouverte, comme disait Landry Coquenard, mais entrebâillée. Il n’y avait qu’à la pousser pour l’ouvrir tout à fait.
– Quelle chance que je me sois obstiné ! exulta Landry Coquenard. Le plus beau, c’est que je ne me suis aperçu de rien !… J’ai dû appuyer sur le bouton sans y prendre garde !… Détalons, monsieur !…
Il allait se précipiter. Mais ses paroles avaient donné à réfléchir à Valvert. Maintenant qu’il sentait l’action imminente, cet énervement qui s’était emparé de lui tombait comme par enchantement. Et du coup il retrouvait tout son sang-froid.
– Un instant, dit-il, qui sait
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