La Fin de Pardaillan
tranquille, monsieur, je ferai de mon mieux pour qu’on me l’endommage le moins possible, cette peau.
– Bon, sourit Valvert rassuré, je n’en demande pas plus.
Ils descendirent sans prendre aucune précaution pour dissimuler leur présence. Ils arrivèrent dans un petit vestibule sur lequel donnaient plusieurs portes. Comme ils n’étaient pas entrés par là, et que le lieu était assez sombre, ils hésitèrent un instant, se demandant laquelle de ces portes ils devaient ouvrir pour gagner la sortie. Si toutefois ils parvenaient à sortir, car ils comprenaient d’instinct qu’ils étaient arrivés à l’endroit où on avait voulu les amener et que c’était là, dans cet espace restreint et sombre, où il était facile de les cerner, que la bataille allait s’engager. Aussi, peut-on croire qu’ils se tenaient plus que jamais l’œil et l’oreille au guet.
Et en effet, ce fut en cet endroit même, à l’instant précis où ils y posèrent les pieds, que la présence de l’ennemi, jusque-là invisible, se manifesta. Derrière eux, sur l’escalier qu’ils venaient de quitter, ils entendirent des ricanements et des chuchotements. Ils se retournèrent. Cinq ou six des ordinaires étaient en train d’occuper l’escalier, où ils s’installaient avec des airs qui signifiaient qu’il ne fallait pas espérer battre en retraite par là.
Ces premiers assassins, qui se montraient enfin, étaient commandés par Longval. Landry Coquenard le reconnut sur-le-champ. On sait que sa rancune féroce allait plus particulièrement à ce chef dizainier ainsi qu’à Roquetaille. En l’occurrence, cette rancune se manifesta par quelques sarcasmes cinglants, agrémentés, comme de juste, d’injures truculentes, qu’il se hâta de décocher à son ennemi.
Il aurait mieux fait de garder sa langue et de regarder autour de lui avec attention. Cette maigre satisfaction qu’il s’accordait lui coûta cher. Pendant qu’il se tenait le nez en l’air pour insulter Longval qui demeurait impassible et dédaigneux, il s’empêtra les jambes dans nous ne savons quel obstacle qu’il n’avait pas vu. Et il tomba en lançant un juron.
A cet instant précis, Longval, sans bouger de l’escalier, lança un coup de sifflet. A ce signal, les portes s’ouvrirent. La meute de Concini envahit le vestibule qui fut soudain éclairé. Dix poignes robustes s’abattirent sur l’infortuné Landry Coquenard. Il n’était pas encore revenu de son ahurissement que déjà il était désarmé, enlevé, ficelé des pieds à la tête, et bien qu’il fût dans l’impossibilité d’esquisser un mouvement, solidement maintenu.
Cela s’était accompli en silence, avec une rapidité fantastique. Et maintenant, avec une intraduisible grimace, le pauvre Coquenard se disait :
« On n’échappe pas à sa destinée. Et la mienne, décidément, était de tomber vivant entre les griffes de cette bête féroce qui s’appelle Concini. »
Et, avec un frisson d’épouvante :
« Ah ! pauvre de moi, quelles tortures ne va-t-il pas m’infliger !… »
Odet de Valvert n’était pas tombé, lui. Il était libre. Il avait l’épée d’une main, le poignard de l’autre. Mais sa situation était terrible. Il jeta un regard sanglant autour de lui. De toutes parts, il se vit entouré d’un cercle de fer. Tous les suppôts de Concini étaient là. Ils étaient bien une trentaine, au premier rang desquels Rospignac, Roquetaille, Eynaus, Louvignac, Longval, descendu de son escalier.
Dans cet étroit espace, ils s’écrasaient littéralement. Et lui, au centre, il n’aurait pu faire deux pas, dans n’importe quelle direction, sans se heurter à la pointe d’une rapière. Il se secoua comme le sanglier acculé par la meute. Il rugit dans son esprit :
« Rage et massacre, ils ne m’auront pas vivant !… Et avant de m’avoir mort, j’en découdrai plus d’un ! »
Chose curieuse, contre leur habitude, les estafiers de Concini ne prononçaient pas une parole, ne faisaient pas un mouvement. C’était en silence qu’ils étaient apparus et qu’ils avaient formé le cercle. Et maintenant, ils ne bougeaient plus, ils se tenaient muets, impassibles, immobiles, la pointe de l’épée tendue en avant. Et à les voir ainsi campés, on eût dit une fantastique et hideuse machine à larder prête à fonctionner.
– Qu’attendent-ils donc pour me charger ? s’étonna Valvert.
Il allait prendre les devants, lui, et foncer
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