La Fin de Pardaillan
Coquenard avait poussés, ils actionnèrent la serrure que le même Landry avait fermée à double tour.
Et la porte ne s’ouvrit pas.
– Ventre de Dieu ! s’emporta Landry Coquenard. Pourtant, j’ai fermé moi-même la porte qui, de l’escalier, donne accès dans l’antichambre qui est là derrière !
Et pris d’une crainte superstitieuse, il grelotta :
– Il y a de la sorcellerie là-dessous !
– Imbécile, lança Valvert.
Et, de son air froid, il expliqua :
– En fait de sorcellerie, il y a tout simplement une autre porte par où quelqu’un est entré pour fermer celle-ci.
– Si cette porte existait, je l’aurais remarquée, protesta Landry Coquenard.
– Bon, fit Valvert en levant les épaules, avais-tu vu cette porte de fer, là-bas ? Cela n’empêche pas qu’elle y est tout de même, qu’elle s’est ouverte devant nous, qu’elle s’est refermée… et si bien refermée que nous n’avons pas pu la rouvrir.
– Au fait, murmura Landry Coquenard ébranlé.
Mais revenant aussitôt à sa crainte première :
– Pourtant, il n’y avait pas de verrou derrière cette porte, quand nous sommes entrés. Ceci, j’en suis sûr.
– Dis que tu n’en as pas vu. Mais il y était dissimulé comme la porte, voilà tout. Il y était si bien que quelqu’un l’a poussé, que la porte se trouve barrée de ce fait et… que je crains bien que nous ne soyons pris ici comme des oiselets au trébuchet.
Cette fois, les exclamations de Valvert eurent le don de convaincre Landry Coquenard, qui se trouva rassuré. Rassuré quant à la crainte superstitieuse qui s’était abattue sur lui, s’entend. Car, pour ce qui est du reste, ils n’avaient malheureusement pas lieu d’être rassurés l’un et l’autre.
Pourtant, nous devons reconnaître qu’Odet de Valvert ne se montrait pas autrement ému. S’il s’était d’abord inquiété, c’était uniquement pour sa fiancée. Mais tout en s’activant, son esprit travaillait. Il réfléchissait. Et le résultat de ces réflexions était qu’il s’était dit qu’elle n’était pas immédiatement menacée : Concini et Marie de Médicis réfléchiraient certainement, avant de prendre une résolution violente à son égard. Si toutefois ils usaient de violence, ce qui n’était pas encore prouvé. Ces réflexions dureraient bien un jour ou deux, pour le moins. D’ici là, avec cette invincible confiance en soi que l’on n’a qu’à vingt ans, il s’affirmait qu’il aurait trouvé moyen de reconquérir sa liberté et qu’il pourrait voler à son secours, si besoin était.
Donc, Valvert n’était pas autrement inquiet sur son propre compte. Ce qui ne veut pas dire qu’il se croisait les bras, attendant que le ciel vînt le tirer de ce mauvais pas. Non, Valvert avait été à l’école de Pardaillan, qui lui avait appris à compter sur lui-même d’abord et avant tout.
D’un coup d’œil expert, il avait étudié la porte, sous l’épais capiton qui la recouvrait, il avait reconnu qu’elle était particulièrement solide.
Quelques poussées violentes de ses puissantes épaules n’avaient pas réussi à l’ébranler. Instruit par sa précédente expérience, il n’avait pas insisté, sûr d’avance qu’il ne réussirait pas plus à ouvrir la grande qu’il n’avait ouvert la petite. Il était allé à la fenêtre.
Nous croyons avoir dit que, malgré qu’il fît grand jour dehors, les rideaux étaient fermés. Tout était hermétiquement clos dans cette chambre où il eût fait nuit si des flambeaux n’avaient été allumés. En raffiné qu’il était, Concini, pour ses tête-à-tête galants, aimait à créer un jour artificiel autour de lui. Un jour qui fût parfumé par surcroît. De là une profusion de cires allumées, dont les mèches imprégnées d’essences aphrodisiaques, en se consumant, répandaient un parfum qui, à la longue, devenait énervant.
Valvert tira les rideaux, ouvrit la fenêtre. Et il se heurta à des volets de bois plein, capitonnés comme la porte, et maintenus hermétiquement fermés par des cadenas énormes.
Landry Coquenard, qui suivait tous ses mouvements avec une attention intéressée, gouailla :
– Nous connaissons cela pour avoir été, autrefois, au service du signor Concini. Vous pouvez être sûr, monsieur, qu’ici portes et fenêtres et les murs eux-mêmes, tout est capitonné de façon à étouffer les cris de celles qui, venues ici par force ou par surprise,
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