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La Fin de Pardaillan

Titel: La Fin de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’attention de Brin de Muguet s’était complètement détournée de lui. Vraiment, on eût dit que ce jeune homme n’existait pas pour elle. Elle n’avait même pas prêté la moindre attention à la force et à l’adresse qu’il avait su déployer en cette circonstance critique. C’était l’indifférence complète, absolue.
    Odet de Valvert, lui, lorsqu’il avait vu que la foule prenait fait et cause pour lui et se disposait à faire un mauvais parti à son adversaire, avait rengainé avec un calme parfait et s’était mis à l’écart, bien décidé à ne pas prendre part à la lutte, si on ne l’y forçait. Cependant il s’était arrangé de manière à ne pas être trop loin de la jeune fille, sur laquelle il semblait s’être donné lui-même la mission de veiller.
    Lorsque Stocco avait annoncé l’approche du roi, Brin de Muguet n’avait pas été la dernière à s’élancer à sa rencontre. La rue paraissait être son domaine. Elle se sentait là chez elle, et il est certain que rien de ce qui s’y passait, gros événement ou incident minime, ne la laissait indifférente.
    Elle s’était donc élancée une des premières. Il lui avait fallu passer devant Odet de Valvert. Elle l’avait fait sans la moindre gêne, sans avoir l’air de le voir. Notre amoureux timide avait trouvé le grand courage de lui tirer son chapeau et de lui adresser un gracieux et respectueux salut. Elle avait répondu par une froide et correcte inclination de tête. C’est tout. Mais une fois qu’elle avait été passée, elle avait eu cette même moue de mécontentement que nous lui avons déjà vue.
    Une fois encore, Odet de Valvert n’avait rien vu. C’était fort heureux pour lui, car le pauvre amoureux eût été navré. Naturellement, il avait emboîté le pas.
    Brin de Muguet n’était pas allée bien loin. Elle s’était arrêtée à quelques pas du pilori et de la belle potence toute neuve que Concini avait fait dresser là. Et elle s’était commodément installée au premier rang ; admirablement placée pour bien voir. Odet de Valvert qui l’avait suivie, comme de juste, s’était placé tout près du sinistre monument et de manière à bien la voir, elle. Et ils avaient attendu, avec la foule des badauds qui s’était massée là, le passage du roi.
    N’attendons pas son passage ; allons au-devant de lui.
    Ce matin-là, ainsi qu’il le faisait à peu près tous les matins, le roi s’en était allé chasser avec ses faucons. Il s’en revenait tout doucement, ayant franchi la porte Saint-Honoré au pas de sa monture, lorsque Stocco, sur l’ordre de Léonora Galigaï, avait signalé son approche.
    Louis XIII n’avait pas tout à fait quatorze ans. Il portait avec une élégance juvénile un costume de chasse : feutre orné d’une longue plume blanche, pourpoint de velours vert foncé, hauts-de-chausses de même étoffe et de même nuance, ceinturon de cuir fauve supportant le couteau de chasse, bottes en cuir noir, à tiges souples montant jusqu’au haut-de-chausse, gants de peau recouvrant les manches du pourpoint jusqu’aux coudes, cravache à la main.
    A sa droite se tenait un homme d’une trentaine d’années, de taille élevée, d’allure élégante. C’était son « maître de la volerie ». Il s’appelait Charles d’Albert. Mais comme il avait hérité d’une petite métairie au bord du Rhône, il avait pris le nom de cette métairie et se faisait appeler Albert de Luynes.
    A la gauche du roi se tenait un jeune homme d’une suprême élégance. C’était le marquis de Montpouillan, un des fils du vieux marquis de la Force.
    Ces deux hommes se disputaient la faveur royale. Ce qui revient à dire qu’ils se surveillaient mutuellement avec une attention jalouse. Ce qui ne les empêchait pas de se faire bon visage et de s’accueillir de mutuelles protestations d’amitié dont ils n’étaient dupes ni l’un ni l’autre. Ajoutons que, pour l’instant, Luynes paraissait l’emporter sur son rival qui écumait intérieurement, mais qui, précisément à cause de cela, lui prodiguait ses plus gracieux sourires.
    Derrière ces trois personnages, à distance respectueuse, venaient quelques pages, quelques valets et une faible escorte. Comme on le voit, rien de la pompe royale dans ce petit cortège. La suite, très modeste, aurait tout aussi bien pu être celle d’un seigneur de fortune moyenne.
    Cette petite troupe s’en allait donc au pas par la rue Saint-Honoré.

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