La Fin de Pardaillan
Et il murmurait :
– Je sais qu’il s’appelle Odet de Valvert, qu’il est comte, qu’il loge ici, qu’il est pauvre et qu’il est venu à Paris pour y chercher fortune. C’est toujours un commencement de nature à satisfaire la « señora ». Voyons la suite.
Il alla jusqu’à la rue Saint-Denis et pénétra sans hésiter dans l’auberge du
Lion d’Or.
Il avait vu Valvert y entrer et en sortir presque aussitôt. Dans l’auberge, il commença à interroger. Laissons-le poursuivre son enquête qui n’a aucun intérêt pour nous, et revenons à Odet de Valvert et à Landry Coquenard, avec qui nous n’en avons pas encore fini.
Tout en haut, sous les toits, comme avait dit Valvert lui-même, ils entrèrent dans un petit logement composé d’une chambre, d’une cuisine et d’un cabinet. L’appartement était modeste, mais il était propre. La chambre était assez confortablement meublée d’un grand lit, d’une table et de deux chaises, d’un fauteuil et d’un bahut. Valvert s’y attarda un instant avec une certaine complaisance. Il ouvrit la lucarne toute grande, y appela Landry Coquenard d’un signe et, avec un grand sérieux :
– Vue magnifique, dit-il. Il prit un temps et ajouta :
–… Pour ceux qui aiment à contempler des toits pointus et des cheminées.
Landry Coquenard se pencha, regarda à droite et à gauche, partout.
– On voit la rue Saint-Denis qui est une des plus animées de Paris, dit-il. Et quant à ces toits et à ces cheminées, n’en dites pas trop de mal, monsieur. En cas d’alerte, on peut trouver le salut par là.
– En risquant de se rompre les os, fit Valvert.
– Qui ne risque rien n’a rien, prononça sentencieusement Landry Coquenard.
– Quelle idée biscornue te vient là ! s’étonna Valvert. Les toits sont un chemin bon pour les chats et les chattes en mal d’amour, et non pas pour d’honnêtes chrétiens comme nous. Du diable si j’ai jamais pensé que je pourrais avoir besoin de passer par là !
– Je comprends que vous n’y ayez pas songé jusqu’à présent. Vous devez y penser maintenant, et sérieusement, monsieur.
– Pourquoi ? ventrebleu !
– Comment, pourquoi ? Mais parce que nous allons avoir Concini à nos trousses, monsieur !… Concini enragé contre nous et qui ne nous lâchera pas d’une semelle !… Concini qui détient le pouvoir, qui dispose, en outre, de ses assassins ordinaires, de l’armée, de la magistrature, de la police, toute la machine sociale bonne à écraser le pauvre monde, et qu’il va mettre en branle contre nous !… Les toits sont un chemin bon pour les chats, dites-vous ? Prenez garde que Concini ne nous mette pas dans la nécessité de nous aventurer sur des chemins qui donneraient le vertige aux oiseaux eux-mêmes !… C’est que, voyez-vous, pour vous comme pour moi, mieux vaudrait mille fois nous rompre les os en tombant du haut d’un toit que d’être pris vivants par Concini !…
Il s’était animé, le brave Landry Coquenard, et il avait prononcé ces paroles sur un ton qui, si brave qu’il fût, avait impressionné son maître, lequel, tout rêveur, grommela :
– Accident de malemort, je n’avais pas songé à cela !
– Il faut y songer, monsieur, insista Landry Coquenard, il faut y songer sans cesse. C’est le seul moyen que nous ayons d’échapper au loup enragé qui va nous donner la chasse.
Valvert demeura un instant silencieux, tortillant sa moustache d’un geste énervé. Puis, haussant dédaigneusement les épaules :
– Bah ! c’est faire bien de l’honneur à ce coquin. Et sur un ton qui n’admettait pas de réplique :
– Achevons de visiter notre domaine qu’il te faut connaître.
Ils passèrent dans la cuisine. Avec la même gaieté insouciante et railleuse, Valvert détailla :
– Une petite table en bois blanc, deux escabeaux également en bois blanc, des ustensiles de cuisine dans la cheminée, de la vaisselle et des gobelets dans ce placard que tu vois là. Voilà ! J’imagine que tu sais faire un peu de cuisine ? Il ne faudrait pas croire que notre fortune nous permette de manger au cabaret tous les jours.
– Soyez tranquille, monsieur, je me charge de vous cuisiner certains petits plats dont vous vous pourlécherez.
– A la bonne heure, j’aime mieux t’entendre quand tu parles ainsi que lorsque tu parles de ce cuistre d’Italien, que le diable lui torde le cou ! Viens voir ta niche maintenant.
Ils
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