La Fin de Pardaillan
princes français ne veulent pas de moi et puisqu’il me faut gagner ma vie, force m’est bien de prendre du service chez un étranger. D’ailleurs, je me suis réservé de reprendre ma liberté en cas d’entreprises contre le roi, je puis donc avoir la conscience en repos. »
Comme il en était là de ses réflexions, Landry Coquenard rentra. D’un coup d’œil rapide, Valvert l’inspecta des pieds à la tête, et il détailla à haute voix :
– Solide costume d’excellent drap des Flandres, fortes bottes montantes, bonne casaque de cuir, grand manteau capable de braver pluie et tempête… Tu es superbe, ma foi, et pour un peu je ne t’aurais pas reconnu.
– Je craignais que Monsieur le comte me reprochât d’avoir fait trop grandement les choses, fit Landry Coquenard en se rengorgeant sous les compliments reçus, et peut-être aurais-je pu me montrer un peu plus ménager de vos deniers…
– Mais non, mais non, rassura Valvert, il faut ce qu’il faut, que diable !
Et, laissant éclater sa joie :
– D’ailleurs, nous avons du nouveau. En ton absence, la fortune est rentrée ici. Regarde-moi ce joyau, Landry, qu’en dis-tu ?
Landry Coquenard prit l’agrafe que lui tendait Valvert, la considéra d’un œil connaisseur, en faisant entendre un sifflement d’admiration. Et, la lui rendant, déclara sentencieusement :
– Je dis, monsieur, qu’un orfèvre point trop voleur vous donnera bien cinq mille livres en échange de ces pierres, quand vous voudrez.
– Tu crois ?
– J’en suis sûr, monsieur. Peut-être même ajoutera-t-il cinq cents livres de plus. Oh ! je m’y connais et vous pouvez vous fier à moi. Mais vous avez parlé de fortune, monsieur. Cinq mille livres, c’est une somme assez rondelette, j’en conviens. Ce n’est pourtant pas ce qu’un homme de votre rang peut appeler la fortune. Il y a donc autre chose de plus ?
– Il y a, révéla joyeusement Valvert, que j’entre au service d’une princesse étrangère : la duchesse de Sorrientès.
– La duchesse de Sorrientès ! sursauta Landry Coquenard, qui devint aussitôt très attentif.
– Tu la connais ? interrogea Valvert.
– Monsieur, fit Landry Coquenard, répondant à une question par une autre question, ce n’est pas cette duchesse de Sorrientès qui est venue ici vous proposer elle-même d’entrer à son service, n’est-ce-pas ?
– Non, c’est un gentilhomme de sa maison, lequel, avant tout, m’a remis cette agrafe de la part de sa maîtresse, répondit Valvert assez étonné.
– Ce gentilhomme, continua Landry Coquenard, n’est-ce pas un noble Espagnol, un colosse vêtu d’un splendide costume violet ?
– Tu le connais donc ?
– Figurez-vous, monsieur, que je l’ai vu sortir d’ici. Il est venu droit à moi, et il m’a dit : « Tu es au service de M. le comte de Valvert. » Notez, monsieur, qu’il n’interrogeait pas. Il affirmait en homme très sûr de ce qu’il dit. Alors, je n’ai pas hésité un instant, et j’ai répondu en le regardant droit dans les yeux : « Non, je ne suis pas au service de M. le comte de Valvert. »
– Quelle idée ! fit Valvert. Et, se fâchant :
– Ah çà ! drôle, est-ce que tu rougirais d’avouer que tu es à mon service, par hasard ?
– Vous ne le pensez pas, monsieur, dit Landry Coquenard en levant les épaules sans façon. J’ai répondu non, simplement par méfiance instinctive. Je me méfie de tout le monde, monsieur, et je ne saurais trop vous engager à en faire autant. Quoi qu’il en soit, j’ai répondu non et je ne le regrette pas, car, savez-vous ce que m’a répondu ce noble hidalgo ? Il m’a répondu : « Pourtant, tu as dîné avec lui, hier, tu l’as suivi chez lui et tu y as passé la nuit. » Qu’en dites-vous, monsieur ? Il faut croire que cet Espagnol s’intéresse beaucoup à moi, puisqu’il s’est donné la peine de me suivre, ou de me faire suivre.
– Voilà qui est étrange, murmura Valvert, rêveur.
– Or, reprit Landry Coquenard, comme je suis un trop mince personnage pour qu’on prenne tant de peine à mon sujet, j’en conclus que c’est vous qu’on a suivi.
– Parbleu ! expliqua Valvert, si on ne m’avait pas suivi, on n’aurait pas pu venir ici me faire les offres qu’on m’a faites. C’est très simple. Enfin, que te voulait-il, cet Espagnol ?
– Il m’a proposé d’entrer au service de M me la duchesse de Sorrientès.
– Toi
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