La Fin de Pardaillan
je vends et nous partageons les bénéfices. Loïse ne manque de rien et moi… moi, le croiriez-vous ? j’ai de côté quelques centaines de livres qui ne doivent rien à personne. Voilà. Vous connaissez maintenant mon histoire et celle de « ma fille » Loïse, aussi bien que moi.
– Maintenant, dit-il avec une émotion contenue, c’est moi qui veillerai sur vous et sur « notre » fille. C’est moi qui pourvoirai à vos besoins. Et vous pouvez être assurée que le comte de Valvert saura faire respecter sa femme et sa fille… Car j’espère qu’aucun scrupule ne vous retient plus, maintenant, et que vous acceptez enfin de devenir ma femme.
– Oui, je l’accepte, dit-elle. Et, avec un sourire malicieux :
– J’accepte non pour l’enfant, comme vous me disiez tout à l’heure, mais pour…
Elle s’arrêta tout à coup, confuse. Il implora :
– Achevez, de grâce ! Elle acheva, bravement :
– Pour vous et pour moi.
Et elle lui tendit le front. Sur ce front si pur, il déposa le plus tendre le plus chaste des baisers. Et, avec une émotion profonde, un accent d’une douceur infinie :
– Ah ! Muguette, mon joli Brin de Muguet, comme je vais vous adorer et vous choyer pour vous faire oublier vos mauvais jours passés !… Comme nous allons être heureux !… Voyez, déjà le bonheur nous sourit : Loïse, « votre » petite Loïse, d’après ce que vous venez de me dire, j’ai découvert sa famille.
Il la vit pâlir. Il lui prit les deux mains, les baisa tendrement et rassura :
– Ne vous alarmez pas. Si je vous parle ainsi délibérément, c’est que je sais, je suis sûr que vous n’aurez pas à vous séparer de l’enfant.
– Vrai ? fit-elle en respirant plus librement.
– J’en suis sûr, vous dis-je. Pourtant, il faudra me montrer ce petit bonnet que vous avez gardé. Il faudra me le confier.
– Quand vous voudrez, dit-elle sans hésiter.
Et, rassurée, tant sa confiance en lui était déjà grande :
– Je vous en prie, parlez… Je grille d’envie de savoir de qui ma Loïse est la fille.
– Loïse est la propre fille de Jehan de Pardaillan. Et voyez notre chance : Jehan de Pardaillan est mon cousin germain par alliance.
– Jehan de Pardaillan, dit-elle. Le jour où vous m’avez tirée des mains de ce laquais de Rospignac, M. de Pardaillan, le père, m’a posé quelques questions au sujet de Loïse. Je venais précisément de me heurter à La Gorelle. Vous pensez si je me tenais sur mes gardes. J’ai répondu à ces MM. de Pardaillan que Loïse était ma fille. Ils ont paru navrés. Depuis j’ai eu du regret d’avoir menti avec tant d’assurance. Je me suis dit que c’était peut-être le père de ma Loïsette qui cherchait sa fille, que j’avais ainsi trompé. Je me suis renseignée. On m’a dit : « M. de Pardaillan est chevalier. Son fils aussi. » Je me suis dit : « Puisque Loïse est la fille d’un marquis, elle ne peut être la fille de ce M. de Pardaillan qui n’est que chevalier. » Ma conscience alarmée s’est tranquillisée et je n’y ai plus pensé. Et vous me dites, vous, que c’est bien lui le père. Etes-vous sûr de ne pas vous tromper ?
– Celui qui vous a renseignée, ma douce Muguette, vous a trompée, ou était lui-même mal renseigné. Il est vrai que MM. de Pardaillan ne prennent pas d’autre titre que le titre modeste de chevalier. Mais, par son père, Jehan de Pardaillan était comte de Margency. Ecoutez, maintenant : par son mariage avec ma cousine Bertille, marquise de Saugis et comtesse de Vaubrun, il est devenu marquis de Saugis et comte de Vaubrun. Comprenez-vous, maintenant ?
– Je comprends.
– Et vous, en consentant à devenir ma femme, vous allez devenir la propre cousine du père et de la mère de Loïse. Les parents reprendront leur fille – ne vous alarmez donc pas, vous dis-je – c’est assez naturel, il y a quatre ans qu’ils remuent ciel et terre pour la retrouver. Mais écoutez bien ceci : Savez-vous où sont situés les quelques lopins de terre et la bicoque en ruine qui constituent mon comté de Valvert ?
– Comment voulez-vous que je sache ? fit-elle, souriant.
– C’est juste, dit-il en riant de tout son cœur. Eh bien, Valvert touche à Saugis… Ah ! vous commencez à comprendre !
– Oui, dit-elle en laissant éclater toute sa joie. Nous irons vivre à Valvert, près de Saugis. Les deux familles n’en feront qu’une… Loïse
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