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La Flèche noire

La Flèche noire

Titel: La Flèche noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Louis Stevenson
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les yeux comme si un simple coup d’œil eût pu lui communiquer l’infection. Mais bientôt la clochette sonna et, cette fois sans plus d’hésitation, le lépreux traversa le bout de la petite bruyère et disparut sous le couvert du bois.
    – Il nous a vus, dit Matcham, j’en jurerais.
    – Bah   ! répliqua Dick, retrouvant un peu decourage. Il n’a pu que nous entendre. Il avait peur, le pauvre   ! Si vous étiez aveugle et marchiez dans une nuit perpétuelle, vous trembleriez, rien qu’à entendre craquer une branche ou chanter un oiseau.
    – Dick, mon bon Dick, il nous a vus, répéta Matcham. Quand un homme écoute, il ne fait pas comme celui-ci   ; il fait autrement, Dick. C’était voir, ce n’était pas entendre. Il a de mauvaises intentions. Écoutez si sa clochette n’est pas arrêtée.
    C’était vrai. La clochette ne sonnait plus.
    – Oh   ! dit Dick, je n’aime pas cela, non, cela ne me plaît pas. Qu’est-ce que cela veut dire   ? Allons-nous-en, par la messe   !
    – Il est allé vers l’est, ajouta Matcham. Mon bon Dick, allons droit vers l’ouest. Je ne pourrai plus respirer tant que je n’aurai pas tourné le dos à ce lépreux.
    – Jack, vous êtes trop peureux, répliqua Dick. Nous irons droit sur Holywood ou, du moins, tout aussi droit que je puis vous guider, et c’est vers le nord.
    Ils furent sur pied de suite, passèrent le ruisseau sur quelques pierres et commencèrent à gravir l’autre côté qui était plus escarpé, se dirigeant vers l’orée du bois. Le terrain devenait très inégal, plein de trous et de monticules   ; les arbres poussaient, ici dispersés et là par bouquets   ; il était de plus en plus difficile de suivre une direction et les jeunes gens allaient un peu au hasard. De plus, ils étaient épuisés par les fatigues de la veille et le manque de nourriture, ils avançaient lourdement et traînaient les jambes sur le sable.
    Bientôt, en arrivant sur le haut d’un monticule, ils aperçurent à quelques centaines de mètres devant eux le lépreux, qui traversait leur ligne dans un creux. Sa cloche était silencieuse, son bâton ne frappait plus le sol et il allait devant lui du pas vif et assuré d’un homme qui voit. Un moment après il avait disparu dans un petit fourré.
    À sa vue les jeunes gens s’étaient jetés derrière une touffe de genêts, ils restaient là, frappés d’horreur.
    – Certainement il nous poursuit, dit Dick… C’est sûr. Il tenait le battant de sa cloche, avez-vous vu   ? pour qu’il ne sonne pas. À présent, que les saints nous protègent   ! et nous conduisent, car je n’ai pas de force pour combattre la lèpre.
    – Que fait-il   ? s’écria Matcham, que veut-il   ? A-t-on jamais vu   ? un lépreux qui, par pure méchanceté, poursuit des malheureux   ? N’a-t-il pas sa cloche justement pour que les gens puissent l’éviter   ? Dick, il y a autre chose là-dessous.
    – Non, cela m’est égal, grogna Dick, je n’ai plus de force, mes jambes fléchissent. Que les saints m’assistent.
    – Allez-vous rester là à ne rien faire   ? cria Matcham. Retournons dans la clairière. Ce sera plus sûr   ; il ne pourra nous approcher par surprise   !
    – Pas moi, dit Dick, mon temps est venu   ; et il peut passer près de nous.
    – Bandez votre arc, au moins   ! cria l’autre. Quoi   ! êtes-vous un homme   ?
    Dick se signa.
    – Voulez-vous que je tire sur un lépreux   ? dit-il. La main me manquerait. À présent, laissez faire   ! Avec des hommes sains je combattrai, mais non avec des revenants et des lépreux. Qu’est celui-ci, je ne sais. Qu’il soit ce qu’il voudra, et le ciel nous protège   !
    – Et bien, dit Matcham, si c’est cela le courage de l’homme, quelle pauvre chose que l’homme   ! Mais puisque vous ne voulez rien faire, cachons-nous.
    Un unique tintement de cloche, brusque, se fit entendre.
    – Il a lâché le battant, murmura Matcham. Grands saints   ! comme il est près   !
    Mais Dick ne répondit pas un mot, ses dents claquaient presque.
    Bientôt ils aperçurent un morceau de la robe blanche entre les broussailles, puis la tête du lépreux avança derrière un tronc d’arbre et sembla sonder minutieusement les environs avant de se retirer.
    À leurs sens surexcités, le buisson paraissait tout vivant de frémissements et des craquements de branches mortes   ; et ils entendaient mutuellement battre leurs cœurs.
    Soudain, avec un cri,

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