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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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aucun. Je devais… Je devais mendier, oui, mendier ! Que si peu d’entre eux aient pu aider des Juifs ne m’étonne pas vraiment. L’égoïsme, la peur… Allez savoir. Mais, tout de même, les Allemands m’ont déçue.
    — Cela pourrait-il recommencer ?
    — Peut-être… Ici ou ailleurs… Vous savez, les gens ne sont pas gentils.  »
    Certains, en Allemagne, comme Martin Walzer, ne veulent pas que l’on appelle les jeunes racistes allemands néonazis , de crainte qu’ils ne reprennent le mot à leur compte. « Les skinheads sont dépourvus d’une quelconque idéologie », disent-ils.
    Peut-être n’ont-ils pas tort de refuser d’accoler le terme de nazi aux skinheads. Peut-être ceux-ci ne revêtent-ils les insignes et ne reproduisent-ils les comportements d’une période honnie que par provocation, pour signifier leur refus de ses valeurs à une société dont ils se sentent rejetés : ils se veulent irrécupérables.
    Mais, dans les années vingt, la jeunesse qui, par la suite, deviendrait hitlérienne n’avait-elle pas les mêmes motivations, sinon les mêmes modèles ?
    Nous voici en tout cas prévenus.
    Pour ma part, je partage la sombre mais lucide réflexion de Richard von Weizsäcker, le président de la République allemande. Selon lui, «  la République de Weimar a sombré non parce qu’il y eut trop de nazis, mais parce qu’il y eut trop peu de démocrates  ». Trop peu de gens généreux refusant la haine. Trop peu – mais ils étaient là, et, par leur action, ils ont prouvé que l’on pouvait contrer la persécution en aidant, en protégeant, en sauvant des vies.
    Oh, certes, ce n’était pas facile ! Quant à abattre le régime ou son chef, on a vu que c’était presque illusoire d’y penser : l’amiral Canaris et ses amis Bonhöffer et Hans von Dohnanyi, qui ont comploté contre Hitler à l’automne 1942 et ont fait passer quatorze Juifs en Suisse, sous couvert de l’Abwehr, ont été arrêtés et exécutés.
    Les gens comme Kaethe Schwartz avaient-ils conscience du danger qu’ils couraient ? Oui, bien sûr, et la signification de leurs actes ne leur échappait pas.
    « Je dois dire que j’étais sans doute courageuse, murmure-t-elle, puis, un ton plus bas : C’était possible, puisque je n’ai pas été inquiétée ni arrêtée. La chance ! Mais il en fallait pour empêcher Hitler… pour l’empêcher, si peu que ce soit, de nuire davantage, de tuer, de toujours tuer… »

14.
    On pouvait donc faire le Bien, même dans l’Allemagne hitlérienne. On pouvait faire le simple geste de donner du pain. Comme l’a fait Klara Munzer, qui est venue en aide, elle aussi, à Inge Deutschkron ainsi qu’à d’autres Juifs que son mari et elle recevaient dans leur boulangerie, et qu’ils cachaient, pour certains d’entre eux, à leur domicile.
    Menue, les cheveux blancs bouclés parsemés de mèches rebelles, Klara Munzer, lorsqu’elle me reçoit, est assise dans un fauteuil qui jouxte une abondante bibliothèque. La présence de livres chez nombre de ces Justes que j’ai rencontrés ne doit sans doute rien au hasard : il n’est pas indigne de la disposition naturelle au Bien que celle-ci soit renforcée, éduquée – cultivée, donc. Cette femme âgée qui est là devant moi, qui parle avec les mains croisées, dont le petit col de corsage blanc se détache sur un gilet bleu sombre, m’offre des mots simples. C’est d’expérience qu’elle parle, et cette expérience vient du fond même de la générosité la plus immédiate, la moins « apprise ». Les profonds sillons que le temps a imprimés sur son visage n’en effacent pas les expressions.
    Au fur et à mesure qu’elle raconte, j’y lis une volonté sans emphase, une bonté qui fait son possible pour se cacher, pour ne pas s’afficher : tout était dangereux, certes, mais, de son point de vue, évident . Et puis Klara Munzer rit. Elle rit comme une enfant qui a joué un bon tour aux antisémites, lorsqu’elle explique comment elle a transformé Inge Deutschkron en « véritable Aryenne » :
    « Je lui ai dit : Inge, je vais faire de vous une véritable Aryenne ! Je suis allée déclarer à la police que j’avais une amie en détresse parce qu’elle avait perdu ses papiers. Je me suis portée garante, moi, une authentique Allemande, de ce que cette amie et les siens s’appelaient Richter, qu’ils étaient une famille Richter… Et ça a marché : je leur ai obtenu des pièces

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