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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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la rencontre de deux autres Justes de ce pays : deux autres diplomates, évoqués d’ailleurs par Selahattin Ulkumen, et qui, pour leur part, sauvèrent des Juifs en France, alors qu’ils étaient en poste à leurs consulats respectifs de Paris et de Marseille.
     
    Yolga Namik a une longue carrière de diplomate derrière lui. À vingt-six ans, en 1940, il est à Paris en qualité de troisième administrateur du consulat de Turquie – chancelier, en quelque sorte. C’est son premier poste à l’étranger. Plus tard, après la guerre, il sera, des années durant, ambassadeur de son pays à Rome, à Paris, à Caracas, à Téhéran, etc., et il deviendra même, l’âge aidant, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de Turquie. Il évoque cette brillante carrière avec un brin d’ironie pour ajouter, le regard soudain plus intense :
    « C’est un honneur pour tout mortel que de représenter ainsi son pays, n’est-ce pas ? Mais je ne vous en parle que pour en arriver à ceci : je considère que la période la plus intéressante, la plus féconde de mon existence a été cette période de la guerre, de vice-consulat à Paris. Je vous jure que je m’en souviens avec bonheur, et, excusez-moi de le dire, avec fierté : avec une satisfaction morale qui, aujourd’hui encore, me permet de garder confiance, de garder l’espoir. »
    Je comprends l’émotion de cet homme. Avec ses amis, pendant la guerre, il a fait sortir de France quatre cents Juifs d’origine turque… ou pseudo-turque, selon le même principe de demande de naturalisation qui permettait à n’importe quel Juif en mesure de se présenter à un consulat turc d’obtenir des papiers le mettant à l’abri des rafles allemandes ou françaises. Le plus étonnant, quand je converse avec Yolga Namik, reste que son plus grand motif de fierté semble moins porter sur le fait d’avoir sauvé quatre cents Juifs que de leur avoir évité, tant qu’ils étaient en France, de devoir porter l’étoile jaune.
    « Dès lors que ces Juifs étaient des citoyens turcs (ou l’étaient obligeamment devenus…), j’étais en mesure d’exiger des autorités allemandes que, dans leur cas, l’étoile jaune soit oubliée : pourquoi un Turc, en effet, aurait-il dû porter l’étoile jaune ?» Il me le répétera plusieurs fois avec insistance :
    « Malgré les pressions des Allemands, malgré les pressions des Français de la Collaboration, je n’ai jamais permis, monsieur, que “ mes ” Juifs portent l’étoile jaune, jamais !»
     
    Yolga Namik boit son café à petites gorgées. De courts cheveux que l’âge a blanchis, une fine moustache, un visage creusé de profonds sillons, des manières racées : l’ancien diplomate a pris de l’âge, mais n’a rien perdu d’une verve sobre, bien construite, où les arguments se posent à leur place sans hésitation. Comme il le souligne lui-même, ces moments de sa vie le remuent et l’exaltent. Il insiste sur la problématique qui l’a conduit à l’établissement des fameux sauf-conduits plus ou moins « arrangés » grâce auxquels ces Juifs ont pu fuir :
    « J’étais à Paris lors de l’invasion allemande, et lorsque Pétain, en octobre 1940, a promulgué ses premières lois d’exception, des lois antisémites. Pour un Turc, de telles persécutions contre les Juifs étaient inadmissibles ! Nous avons sans cesse discuté avec les autorités allemandes et françaises de l’époque pour leur rappeler que la discrimination raciale était condamnée par le droit public international. Et nous nous sommes appuyés sur notre propre Constitution pour intervenir en faveur des Juifs turcs, et de tous les autres qui pouvaient nous joindre. Notre Constitution interdit toute discrimination de race, de couleur de peau, de langue, de religion entre citoyens turcs. Nous ne pouvions donc en aucune façon accepter qu’un pays étranger prenne sur lui de décider du sort de nos concitoyens : juifs ou pas, les Turcs relèvent de l’autorité turque, et de nulle autre… Ces arguments portaient : Hitler n’avait pas en vue, dans ses projets immédiats, d’attaquer la Turquie. Il était donc possible, avec des documents confectionnés par nos soins, de contrer en partie les persécutions allemandes.
    — Monsieur Yolga Namik, où ces quatre cents Juifs que vous avez sauvés sont-ils allés ?
    — Oh, ils ont eu droit à une odyssée ferroviaire ! Songez : nous avons dû

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