La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
l'autisme.
Le Dr Besancourt n'avait aucun diagnostic simple à
proposer à Jorja. Il parla de troubles neurologiques ou cérébraux, de maladie de nature psychologique. Il voulait que Marcie passe quelques jours au Sunrise Hospital pour y subir un certain nombre d'examens.
Ce qui survint dans le cabinet du Dr Besancourt ne fut rien à côté de ce qui arriva à l'hôpital. La simple vue des médecins et des infirmières déclenchait chez Marcie une panique démesurée, laquelle se transformait bientôt en hystérie pure et simple et finissait par laisser la pauvre enfant dans un état de transe quasi catatonique dont il lui fallait plusieurs heures pour se remettre.
Jorja se fit mettre en arrêt de travail pour une semaine et séjourna pratiquement quatre jours entiers au Sunrise Hospital, dormant dans un lit d'appoint installé dans la chambre de Marcie. Elle ne se reposa pas vraiment. Même plongée dans le sommeil artificiel le plus profond, la fillette se tordait en tous sens, donnait des coups de pied et de poing et hurlait: ´ La lune, la lune... ª De telle sorte que la quatrième nuit, celle du dimanche 29 décembre, ce fut Jorja qui eut besoin du secours des médecins.
Le lundi matin, les frayeurs irrationnelles de Marcie disparurent comme par enchantement. Elle n'aimait pas l'hôpital et demandait sans cesse à rentrer chez elle, mais elle ne semblait plus redouter que les murs se referment sur elle pour la broyer. La compagnie des médecins et des infirmières ne lui plaisait pas, mais elle ne reculait pas, horrifiée, devant eux et n'essayait pas de les frapper quand ils voulaient la toucher. Elle était toujours p‚le, nerveuse, tendue, mais, pour la première fois en plusieurs jours, son appétit fut normal et elle mangea tout ce qu'on lui apporta pour le petit déjeuner.
Un peu plus tard ce même jour, après que le dernier examen eut été effectué et alors que Marcie déjeunait au lit, le Dr Besancourt parla à Jorja. Il avait une tête de bon gros chien, avec des yeux humides et sympathiques. Ńégatifs, Jorja, tous les tests sont négatifs. Pas de tumeur, pas de lésion cérébrale, pas le moindre dysfonctionnement neurologique.
- Merci, mon Dieu, dit Jorja qui faillit fondre en larmes.
-Je vais envoyer Marcie chez un confrère, dit Besancourt. Ted Coverly. C'est un pédopsychiatre très qualifié. Je suis certain qu'il trouvera la cause de tout cela. Curieusement... j'ai l'impression que nous avons peut-être guéri Marcie sans même le savoir.
-Guéri ? qu'est-ce que vous voulez dire ?
- Rétrospectivement, il m'apparaît que son comportement avait toutes les caractéristiques d'une phobie. Peur irrationnelle, crises de panique... Je suppose qu'elle s'est mise à développer une grave aversion pho-bique à l'égard de tout ce qui concerne la médecine.
Il y a un traitement qui porte le nom de ´ flooding ª
dans lequel le patient atteint de phobie est volontairement, je dirais même impitoyablement, exposé aux choses qu'il redoute. Une sorte d'immersion totale pendant des heures, disons. C'est peut-être ce à quoi nous avons soumis Marcie en la faisant hospitaliser.
-Pourquoi aurait-elle une telle phobie ? demanda Jorja. D'o˘ viendrait-elle ? Elle n'a jamais eu d'expérience traumatisante avec un docteur, elle n'a jamais été vraiment malade. ª
Le Dr Besancourt s'écarta pour laisser passer un opéré. Ńous ignorons ce qui provoque les phobies. Il n'est pas nécessaire d'avoir eu un accident d'avion pour avoir peur de tout ce qui vole. Les phobies apparaissent comme ça spontanément. Même si nous l'avons guérie accidentellement, il y aura toujours une appréhension résiduelle que Ted Coverly pourra identifier. Allez, Jorja, ne vous en faites pas. ª
Marcie sortit de l'hôpital le lundi 30 décembre dans l'après-midi. Dans la voiture qui la ramenait chez elle, elle était pratiquement redevenue elle-même et devinait des formes d'animaux dissimulés dans les nuages.
Les trois nuits suivantes Marcie dormit dans le lit de Jorja au cas o˘ elle aurait des crises d'angoisse. Les cauchemars furent moins fréquents, moins forts aussi qu'auparavant. Marcie parla dans son sommeil, mais cela ne réveilla Jorja que trois fois en deux nuits. ´ La lune, la lune, la lune ! ª Mais cette fois-ci, c'était plus un appel désespéré qu'un cri.
Ce fut un jeudi que Marcie vit pour la première fois le Dr Coverly. Il lui fit bonne impression. Si elle avait encore une peur irraisonnée
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