La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
L'été de l'année dernière, ils s'étaient trouvés au même moment au même endroit.
Lomack avait été rendu fou par la pression des souvenirs réprimés.
Et moi, vais-je aussi devenir fou ? se demanda Dom qui, debout au milieu de la chambre principale, tournait sur lui-même, les yeux rivés au plafond.
Une pensée nouvelle et sinistre s'imposa à lui. Supposons que Lomack ne se soit pas tué par désespoir de ne pouvoir se débarrasser de son obsession. Supposons qu'il ait mis le canon de l'arme dans sa bouche pour s'être enfin souvenu de ce qui lui était arrivé l 'été
de l'année dernière. Peut-être le souvenir était-il bien pire que le mystère. Peut-être, si la vérité lui était révélée, les crises de somnambulisme et les cauchemars lui paraîtraient-ils moins terrifiants que ce qui était advenu sur la route, quelque part entre Portland et Mountainview.
La lune... la lune... la lune... L'oppression de ces formes flottant aux murs augmentait de seconde en seconde. La décoration murale rendait Dom claustrophobe. Les lunes semblaient être le signe encore incompréhensible du terrible destin qui l'attendait.
N'en pouvant plus, il quitta la chambre en titubant.
Il courut dans le couloir pour rejoindre la salle de séjour, trébucha sur une pile de livres, tomba à terre.
Il ne lui fallut que quelques secondes pour recouvrer ses esprits. Et là, il découvrit le prénom ´ Dominick ª
écrit au marqueur sur un poster. Il ne l'avait pas remarqué en sortant de la cuisine mais, à présent, sa torche était pointée directement dessus.
Dom frissonna. Les journaux n'en avaient pas parlé, mais il s'agissait certainement de l'écriture de Lomack. Il était certain de ne pas connaître le joueur, mais ce serait une formidable coÔncidence s'il s'agissait d'un autre Dominick que lui-même.
Il se releva, dirigea sa torche vers les autres posters.
Des prénoms étaient écrits sur trois autres affiches: GINGER, FAYE, ERNIE. Si son nom était là parce qu'il avait partagé une expérience oubliée avec Lomack, il devait en être de même pour les trois autres personnes.
Il pensa au prêtre sur la photo qu'il avait reçue.
Etait-ce lui, Ernie ?
Et la jeune femme couchée sur le lit, était-ce Ginger ou Faye ?
Un souvenir terrible frémit en lui, mais trop profondément, au plus secret de son inconscient, comme une créature marine vivant dans la vase et que ne révèlent que quelques bulles venues crever à la surface.
Dès l'instant o˘ il avait pénétré dans la maison de Lomack, une peur sourde s'était emparée de Dom; mais la frustration était maintenant plus forte qu'elle.
Il cria dans la maison vide, et l'écho de sa voix se répercuta, froid et sec, sur les murs couverts de lunes en papier. ´Pourquoi ne puis-je rien me rappeler?ª Il savait pourquoi, évidemment: quelqu'un avait tripoté
son esprit, en avait arraché certains souvenirs. Mais il cria tout de même, terrifié et furieux à la fois:
´ Pourquoi ne puis-je rien me rappeler ? Il faut que la mémoire me revienne ! ª Il tendit la main vers le poster qui portait son nom, comme pour en arracher le souvenir qui se trouvait dans l'esprit de Lomack lorsque ce dernier avait griffonné ´ Dominick ª. Son coeur cognait. Il rugit, fou de rage: ´ Bande d'enfoirés, qui que vous soyez, je finirai par me souvenir. Je me souviendrai de vous, salopards. Je m'en souviendrai ! ª
Et tout à coup, bien qu'il ne le touch‚t pas, bien que sa main en f˚t éloignée de plus d'un mètre, le poster portant son nom se détacha du mur. Il était fixé par quatre morceaux de ruban adhésif, mais ceux-ci se déchirèrent avec un bruit de fermeture à glissière et le poster bondit littéralement loin du mur, comme si une saute de vent soudaine avait traversé la brique et le pl‚tre.
La lampe tremblait dans sa main; dans la lumière hésitante, il vit que le poster s'était immobilisé à quelques pieds de lui. Il restait suspendu à la hauteur des yeux, posé sur le vide, ondulant légèrement de bas en haut. Tandis que gonflait la surface grêlée de la lune, son nom écrit à la main se tordait comme la devise d'une bannière agitée par le vent.
Lentement, il retomba en ondulant comme un tapis volant.
Une hallucination, se dit-il, il ne manquait plus que ça.
Mais c'était bel et bien la réalité. Et il le savait.
Sa main se mit à trembler. La lampe vacillait, son faisceau éclairant par saccades les lunes
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