Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
Vom Netzwerk:
ampoule émettait une lueur vacillante, semblable à celle d'une bougie. Cette lueur jaun‚tre, sautillante, plongea instantanément Ginger dans une panique irraisonnée.
    Ńon ! Assez ! ª
    Et à nouveau, ce fut le brouillard, puis les ténèbres.
    Le néant.
    Plus froid encore.
    Ses pieds et ses mains étaient comme paralysés.
    Visiblement, elle se trouvait dans Newbury Street.
    Elle s'était glissée sous un camion en stationnement.
    ´ Mademoiselle ? Hé mademoiselle ? ª
    Ginger cligna des yeux. La voix venait de l'arrière du camion.
    Elle vit un homme à quatre pattes et crut un instant que c'était le tueur.
    ´ Dites, ça ne va pas, mademoiselle ? ª
    Ce n'était pas lui. Il avait d˚ abandonner et préférer prendre la fuite. Non, c'était quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Pour une fois, le visage d'un étranger était le bienvenu.
    ´ qu'est-ce que vous fichez là-dessous ? ª
    Elle rampa jusqu'à lui, accepta la main gantée qu'il lui tendait et sortit de dessous le camion.

    ´ Vous étiez cachée ? Y a quelqu'un qui vous voulait du mal ? ª
    C'est alors qu'elle aperçut un policier réglant la circulation au carrefour. Sans prendre la peine de répondre au camionneur, elle courut vers lui. Tout son corps lui faisait mal, mais cela n'avait pas d'importance. …vi-tant les quelques voitures qui roulaient à cette heure, Ginger cria pour attirer l'attention du policier: ´ Vite, un homme a été assassiné, il faut que vous veniez ! ª
    L'agent de la circulation se tourna lentement vers elle et elle découvrit les boutons en cuivre de son uniforme. Ils n'étaient pas tout à fait semblables à ceux de la veste en cuir de l'assassin ils n'étaient pas décorés d'un lion passant. Mais cela suffit pour lui faire penser aux boutons qu'elle avait vus au Tranquility Motel. Des souvenirs interdits voulurent crever la surface. Assez pour activer le blocage d'AzraÎl.
    Dans un cri de désespoir, elle perdit à nouveau conscience et sombra dans le néant.
    Plus froid encore.
    Cette fois-ci, elle s'était réfugiée dans l'espace très restreint qui séparait des haies artistement taillées du mur de brique d'une belle b‚tisse. L'ancien hôtel Agassiz. L'immeuble même de Pablo, là o˘ il avait été tué.
    La boucle était bouclée.
    Elle entendit quelqu'un s'approcher.
    Les bottes du policier firent crisser la neige. Il s'arrêta devant elle et écarta les haies. ´ Mademoiselle ? «a ne va pas ? Vous disiez que quelqu'un s'était fait assassiner. ª
    Peut-être ferait-elle une nouvelle fugue, peut-être n'en sortirait-elle jamais ?
    Le policier tendit la main vers elle et dit doucement:
    ´ qu'est-ce qui se passe ? Dites-le-moi, je ne peux pas VOUS aider Si VOUS ne me dites rien. ª
    Elle ouvrit les yeux, vit le bouton supérieur de sa veste. Il ne se passa rien. Mais cela ne voulait pas dire grand-chose: l'ophtalmoscope, les gants noirs et les autres objets l'avaient laissée parfaitement indiffé-

    rente quand elle s'était forcée à les regarder bien en face.
    Le policier l'aida à sortir de la haie.
    Elle dit: Íls ont tué Pablo, il a été assassiné. ª
    Et au moment même o˘ elle prononça ces paroles, elle se sentit submergée par le remords. Le 6 janvier serait à tout jamais un jour maudit. Pablo était mort.
    Parce qu'il avait voulu la secourir.
    Sur la route
    Le lundi 6 janvier au matin, Dom Corvaisis parcourut les faubourgs de Portland dans sa Chevrolet de louage. La pluie, la plus drue qu'il e˚t jamais vue, avait cessé avant l'aube. Mais le ciel était encore nuageux, de la teinte gris‚tre d'un champ incendié, comme si un incendie allumé derrière les nuages en avait extirpé
    toute l'humidité. Il traversa le campus universitaire, s'arrêtant de temps à autre pour se replonger dans le passé. Il se gara en face de l'appartement o˘ il avait vécu et, les yeux levés vers les fenêtres, tenta de se souvenir de l'homme qu'il avait été.
    Il était persuadé d'avoir vu quelque chose de terrible sur la route, l'été de l'année dernière, et aussi qu'on lui avait fait subir quelque chose de monstrueux. Mais cette conviction engendrait à la fois un mystère et une contradiction. Le mystère, c'est que cet événement avait suscité en lui un changement indéniablement positif. La contradiction, que l'événement en question avait peuplé ses rêves de cauchemars tout en faisant s'épanouir sa personnalité. Comment la même chose pouvait-elle être à la fois terrifiante et

Weitere Kostenlose Bücher