La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
instants de ses yeux gris et poussa un soupir.) Vous a-t-il parlé de notre conversation ?
- Il m'a parlé de tout, sauf justement de cette conversation. (Ses yeux se remplirent de larmes.) Il n'en a pas soufflé mot. C'était un homme tellement gentil et charmant...
-C'est vrai, répondit l'ancien diplomate. Et je commence à comprendre pourquoi il a pris de tels risques pour vous. Il m'a dit que vous étiez une jeune femme absolument délicieuse, et je constate que son jugement était toujours aussi bon et juste. ª
Ginger se tamponna les yeux avec le mouchoir de pochette que venait de lui tendre Christophson. Elle avait encore le coeur douloureusement serré, mais commençait à espérer que la culpabilité finirait par laisser la place au seul chagrin. ´ Merci, dit-elle. Et maintenant ? que vais-je faire ?
-Je ne suis pas en mesure de vous aider, répondit-il aussitôt. Cela fait des années que je ne suis plus dans les services de renseignements. Je n'ai aucune idée sur ceux qui sont derrière votre blocage de mémoire, ni sur les raisons de leur intervention.
-Oh, je ne voulais rien vous demander. Je ne veux plus risquer de vies innocentes.
-Allez voir la police. C'est leur travail d'aider les gens. ª
Ginger secoua la tête. Ńon. Ils sont lents, trop lents. Et surtout, je ne leur fais pas confiance. Les enregistrements de mes séances avec Pablo avaient disparu lorsque je suis revenue dans l'appartement avec la police. Je n'ai parlé de rien, je les ai laissé
croire à un simple cambriolage par un personnage déséquilibré.
-Alors trouvez un autre hypnotiseur.
-Non, je vous l'ai dit, pas question de risquer d'autres vies innocentes.
- Je comprends. Mais c'est les seules suggestions que j'aie à vous offrir. Je suis désolé.
-Oh, vous n'y pouvez rien. ª
Il commença à s'éloigner, hésita, soupira. Ćompre-nez-moi bien, docteur. J'ai fait la guerre, la Grande Guerre, et je m'y suis distingué. Plus tard, j'ai été un bon ambassadeur. En tant que sénateur et directeur de la CIA, j'ai pris de nombreuses décisions très délicates, parfois même au péril de ma vie. Je n'ai jamais reculé devant le risque. Mais aujourd'hui, j'ai soixante-seize ans et je me sens encore plus vieux. Une maladie de Parkinson, un coeur défaillant, de l'hypertension.
J'ai une femme que j'aime beaucoup et elle restera seule s'il m'arrive quelque chose.
-Vous n'avez pas besoin de vous justifierª, dit Ginger. Elle se rendit compte à quel point les rôles s'étaient inversés en si peu de temps. Au début, il s'était montré plein d'assurance et c'était maintenant elle qui, pour ainsi dire, devait le comprendre. Jacob lui avait souvent dit que la pitié était la plus grande vertu de l'homme et qu'il se formait un lien indissoluble entre celui qui accordait sa pitié et celui à qui elle s'adressait.
Ce lien, Christophson le sentit apparemment et il se laissa aller à des confidences d'ordre plus intime. ´ Je vais vous parler en toute franchise, docteur. Si je ne veux pas être impliqué dans cette histoire, ce n'est pas que je trouve la vie précieuse mais parce que j'ai de plus en plus peur de la mort. ª Tout en parlant, il sortit un bloc et un crayon de la poche de son manteau. ´ Ma vie durant, j'ai fait beaucoup de choses dont je ne suis pas particulièrement fier. ª Il se mit à écrire. Ćertes, la plupart de ces actes étaient commandés par la raison d'Etat. Le gouvernement et l'espionnage sont nécessaires, mais ni l'un ni l'autre ne sont très propres. A cette époque, je ne croyais ni en Dieu ni à la vie après la mort. Aujourd'hui, je m'interroge... je ne cesse de m'interroger. ª Il arracha une page du carnet.
´ J'ai peur de ce qui peut m'attendre après la mort, voyez-vous. C'est pour ça que je m'accroche le plus possible à la vie. Voilà aussi, docteur, pourquoi je suis devenu un l‚che. ª
Christophson plia en quatre la feuille de papier et la lui tendit.
Ginger remarqua alors qu'il s'était arrangé pour tourner le dos aux autres invités.
Il dit: ´ Je vous ai seulement communiqué le numéro de téléphone d'un magasin d'antiquités de Greenwich, dans le Connecticut. C'est mon frère Philip qui le tient.
Vous ne pouvez pas m'appeler chez moi, nous sommes peut-être surveillés et il se peut que mon téléphone soit sur écoute. Je ne veux pas prendre le risque de m'asso-
cier avec vous, docteur Weiss. Cependant, j'ai une grande expérience de ce genre de choses et elle vous
Weitere Kostenlose Bücher