La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
ses biens à
Marcie, dont il était pratiquement prêt à renier la paternité.
Jorja remarqua qu'Alan avait fait officialiser son acte devant notaire quatre jours plus tôt. Íl devait déjà penser au suicide, fit Jorja en frissonnant.
- S˚rement, oui.
-Vous ne vous êtes rendu compte de rien ? Vous n'avez pas vu qu'il était sur le point de craquer ?
-Je vous ai déjà dit qu'il était bizarre depuis plusieurs mois... Et puis, zut ! Je ne suis pas psychologue, moi. Ses affaires sont dans la chambre. ª
La déchéance morale dans laquelle Alan s'était enfoncé rendait Jorja malade mais en plus elle se sentait coupable de sa mort. N'aurait-elle pas pu faire quelque chose pour lui venir en aide ? En laissant ses quelques biens à Marcie et en la désignant comme exécutrice testamentaire, il semblait avoir voulu se tourner vers elles, en ses derniers jours; avec ce qu'il avait à la fois de pathétique et de dérisoire, le geste touchait la jeune femme. Elle essaya de se souvenir de son timbre de voix au téléphone, avant la NoÎl, la dernière fois qu'elle lui avait parlé. Elle se rappela sa froideur, son arrogance et son égoÔsme; mais peut-être y avait-il eu d'autres choses plus subtiles sous ce vernis de cruauté
et de bravade, de la détresse, de la confusion, de la déréliction, de la peur.
Songeant à cela, elle suivit Pepper vers la chambre.
La t‚che à accomplir lui faisait horreur, mais elle ne pouvait s'y soustraire.
A mi-chemin, dans le couloir, Pepper s'arrêta à une porte qu'elle poussa. Óh merde ! Regardez l'état dans lequel ces foutus flics ont laissé ça ! ª
Jorja avait commencé à jeter un coup d'oeil dans la pièce avant de comprendre qu'il s'agissait de la salle de bains dans laquelle Alan s'était tué. Le sol, en carreaux couleur crème, était couvert de sang, comme la porte vitrée de la douche, l'évier, les toilettes, les serviettes et la poubelle. Une tache de sang séché, derrière les toilettes, évoquait une macabre planche d'un test de Rorschach, comme si quelque psychologue de talent e˚t pu comprendre l'état d'esprit d'Alan et les raisons de son geste.
Íl a tiré deux fois, reprit Pepper qui abreuvait Jorja de détails qu'elle aurait préféré ne pas connaître. Une fois entre les jambes. Bizarre, non ? Puis il a mis le canon dans sa bouche et a appuyé sur la détente. ª
L'odeur cuivrée du sang parvenait faiblement à
Jorja.
Ćes imbéciles de flics auraient pu au moins nettoyer le plus gros ª, continua Pepper, comme si la police e˚t d˚ être dotée non seulement d'armes mais de balais et de serpillières.
Jorja rompit la fascination hypnotique que produisait sur elle la salle de bains et recula de quelques pas en titubant dans le couloir.
´ Hé, dit Pepper, ça va pas ? ª
Jorja hoqueta, serra les dents et alla s'appuyer un peu plus loin au chambranle d'une autre porte.
´ Dis donc, mon chou, t'en pinçais encore pour lui, hein ?
- Non ª, répondit Jorja d'une voix faible.
Pepper se rapprocha, trop près, même, et posa une main sur l'épaule de la jeune femme, d'un geste qui répugna à Jorja. Ś˚r, que vous en pinciez encore pour lui. Seigneur, je suis désolée. ª Pepper dégoulinait de sympathie onctueuse, et Jorja se demanda si la call-girl était capable d'une émotion authentique n'ayant pas sa source dans son intérêt bien compris. ´ Vous avez dit que c'était fini, entre vous, mais j'aurais d˚
me douter de quelque chose. ª
Jorja avait envie de hurler: Espèce de foutue salope, ce n'est pas que j'en pinçais pour lui, mais c'était tout de même un être humain, au nom du ciel ! Comment peut-on être aussi insensible ? qu'est-ce qui ne tourne pas rond, chez toi ? Il te manque une case, ou quoi ?
Mais elle dit simplement: ´ Je vais très bien. Très bien. O˘ sont ses affaires ? Je veux trier tout ça et ficher le camp d'ici. ª
Pepper fit passer Jorja dans la pièce à l'entrée de laquelle elle se tenait. Íl avait les tiroirs du bas de la commode, plus le côté gauche de la penderie et la moitié du placard.
Jorja eut soudain l'impression que cette chambre était aussi étrange, aussi irréelle qu'un décor onirique.
La peur s'empara d'elle, son coeur se mit à battre très fort et elle fit le tour du lit pour découvrir le contenu du tiroir. Des livres. Une demi-douzaine de livres y étaient rangés. Le mot ´ lune ª s'inscrivait sur la tran-che de chacun d'eux. C'étaient tous des ouvrages d'astronomie.
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